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France : les Algériens, point de fixation des anti-immigration

France : les Algériens, point de fixation des anti-immigration

La France s’apprête à vivre de chauds débats sur la question de l’immigration à l’occasion de la présentation, probablement cet été, de la nouvelle loi dont il est question depuis plusieurs mois.

Les milieux de droite et d’extrême-droite passent déjà à l’offensive et veulent un texte ferme et des mesures radicales.

Encore une fois, l’immigration d’origine algérienne est ciblée en premier lieu et l’abrogation de l’accord algéro-français de 1968 est exigée comme un préalable pour la réduction des flux d’immigrés étrangers.

Il y a quelques jours, le parti de la droite traditionnelle Les Républicains a dévoilé une double proposition, un projet de loi restrictive sur l’immigration et une révision de la Constitution pour donner la primauté à la législation nationale sur les lois européennes et les traités internationaux, du moins en ce qui concerne la gestion de l’immigration, présentée comme question sensible et d’intérêt national.

Pour les initiateurs de ces deux projets, dont le président du parti Eric Ciotti, si toutes les tentatives de réguler les flux migratoires ont échoué, c’est à cause de l’impossibilité d’appliquer la loi qui bute souvent sur la législation de l’Union européenne et les accords passés par le gouvernement français avec des Etats étrangers.

C’est aussi l’avis de l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt qui, lui, cible précisément l’accord algéro-français de 1968 qu’il trouve très avantageux pour les immigrés algériens.

En poste à Alger à deux reprises, entre 2008 et 2012 puis entre 2017 et 2020, Xavier Driencourt a multiplié, après son départ à la retraite, les sorties controversées à propos de l’Algérie.

En janvier dernier, il a estimé que l’Algérie était en train de s’effondrer, se demandant si elle ne va pas entraîner la France dans sa chute.

C’est donc sans surprise que le diplomate français joint sa voix à tous ceux qui en France ont cet accord dans le viseur. Dans un entretien accordé au magazine le Point, il explique que les dispositions de l’accord de 1968 sont « exorbitantes » et qu’il n’y a pas possibilité de les contourner tant que les accords internationaux ont la primauté sur la loi. C’est un peu comme si les lois françaises sur l’immigration ne concernaient pas les Algériens, selon lui.

L’avis de Xavier Driencourt est tranché par rapport à la future loi qui se prépare : sans dénonciation de l’accord de 1968, « extrêmement protecteur » pour les migrants algériens, les chances de maîtriser l’immigration seront réduites à néant.

Accord de 1968 : un ex-ambassadeur de France en Algérie met la pression 

Cette fixation sur l’accord bilatéral signé il y a plus d’un demi-siècle laisserait penser que l’immigration en France est exclusivement algérienne.

Ce qui est loin d’être le cas. Selon les chiffres fournis par l’ancien ambassadeur lui-même, les Algériens ne représentent que 12% du total des immigrés établis en France. Ce qui signifie que près de 90% des immigrés se trouvant sur le territoire français s’y sont établis sans un accord « extrêmement protecteur » ou des « avantages exorbitants ». 

En diplomate qu’il est, Xavier Driencourt n’ignore pas qu’un tel pas aurait des conséquences graves sur les relations entre les deux pays. Ce serait même « une bombe atomique », «  une crise majeure, à la une de tous les journaux », avec peut-être la rupture  des relations diplomatiques, anticipe-t-il.

Mais il met tout de même la pression sur le gouvernement de son pays pour prendre ce risque.  Il estime que l’on n’est qu’ « à l’aube du problème », c’est-à-dire que les flux migratoires vont aller crescendo à cause des problèmes que vit la jeunesse algérienne en Algérie dont « les visas » constituent l’un des « exutoires ».

« Ils (les dirigeants algériens, ndlr) savent au fond que cet accord de 1968 n’a plus lieu d’être, et rient de notre naïveté », dit-il, égratignant au passage le président Emmanuel Macron et les dirigeants français qui, selon lui, font « une erreur d’analyse en pensant que les embrassades, la contrition et les tapes dans le dos permettront d’amadouer leurs homologues algériens ».

L’accord algéro-français de 1968 était destiné à combler la situation de vide juridique générée par l’indépendance de l’Algérie six ans plus tôt, en 1962.

Ses dispositions étaient destinées à régir la circulation, l’emploi et le séjour des ressortissants algériens en France qui, à cette période-là, était en manque de main d’œuvre.

Dans l’accord, il était prévu l’entrée en France de 35 000 travailleurs algériens par an, pendant trois ans. Les immigrés algériens ont de nombreux avantages liés au titre de séjour et au regroupement familial que n’ont pas les immigrés d’autres nationalités.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a indiqué en décembre dernier dans un entretien au Figaro que l’Algérie tient à l’accord de 1968 sur l’immigration. Tant qu’ils sont en vigueur, ces accords doivent être respectés, a-t-il dit.

Malgré la pression des milieux de droite, plusieurs responsables français ont aussi exclu la dénonciation de l’accord, comme le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a estimé qu’une telle éventualité signifierait juridiquement le retour à la situation ex ante, c’est-à-dire à la libre circulation en vigueur avant la signature de l’accord. 

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