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France : l’immigration algérienne dans le viseur de la droite

France : l’immigration algérienne dans le viseur de la droite

Pendant que toute la France est presque unanime sur la nécessité de réguler les flux migratoires et de lutter fermement contre les entrées illégales sur le territoire, les partis et personnalités de la droite ont une priorité bien précise : limiter le nombre d’Algériens qui s’installent légalement en France.

Depuis quelques semaines, et alors que le gouvernement s’apprête à présenter un nouveau projet de loi sur l’immigration, le débat est presque réduit à un détail : faut-il, oui ou non, révoquer l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration ?

Les deux gouvernements respectifs se sont prononcés pour le maintien du traité, mais la droite française fait désormais de sa suppression un point de fixation.

Eric Ciotti, président des Républicains, est le plus acharné des politiques français pour la révocation de l’accord signé il y a 55 ans, plus que, curieusement, les partis de l’extrême-droite.

Le Rassemblement national et Reconquête, les premiers à avoir exigé par le passé que prenne fin le prétendu « traitement de faveur » accordé aux Algériens en matière d’immigration, semblent indifférents à la croisade en cours contre l’accord de 1968. D’expérience, ils savent que toute tentative de chasse de la droite sur leur terrain ne fait que booster leur discours et leurs scores électoraux.

Ciotti, Gérard Larcher (président du Sénat), l’ancien ambassadeur de France à Alger Xavier Driencourt et l’ancien premier ministre Édouard Philippe, pour ne citer que ceux-là, se sont donnés le mot pour fustiger simultanément l’accord algéro-français.

Le parti Les Républicains est passé très vite à l’action en annonçant le dépôt d’une proposition de résolution au Parlement sur le sujet. Aussitôt, le président du parti a sollicité une rencontre avec le président Emmanuel Macron, avec l’immigration algérienne comme unique point de l’ordre du jour.

Les Algériens devraient donc peser très lourd dans l’équation migratoire en France. Pourtant, ce n’est pas ce que disent les chiffres. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, sur 250 000 titres de séjour délivrés en 2021 par les préfectures, seuls 25 000, soit 10 %, ont été octroyés à des demandeurs algériens. Pendant la même année, les ressortissants marocains se sont vus délivrer 35 000 titres de séjour.

Immigration algérienne en France :  Bayrou se démarque

Les tirs groupés contre l’immigration algérienne en France et précisément l’accord de 1968 surviennent dans un contexte de réchauffement, du moins en apparence, des relations entre l’Algérie et la France, après deux crises à l’automne 2021 et début 2023. Le contexte est aussi celui des fortes tensions entre l’Algérie et le Maroc ainsi qu’un désaccord entre Paris et Rabat.

Eric Ciotti a choisi son camp entre l’Algérie et le Maroc. Au lendemain de sa récente visite au Maroc où, avec la Franco-Marocaine et ex-ministre Rachida Dati, il a plaidé pour la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental et appelé le président Macron à « recadrer » sa politique maghrébine, jugée très en faveur de l’Algérie.

L’explication à l’agitation de la droite pourrait se trouver dans son rejet du rapprochement entrepris par le président Macron avec l’Algérie au détriment du Maroc, mais aussi dans sa tendance à chasser sur les plates-bandes de l’extrême-droite.

Certains analystes y voient même une tentative de saborder tout rapprochement entre la France et l’Algérie, deux pays qui pourtant ont tout à gagner s’ils réussissent à rétablir une relation spéciale basée sur le respect des intérêts mutuels.

Le risque que font encourir à la relation algéro-française les pourfendeurs de l’accord de 1968 est grand et ils ne l’ignorent pas. Xavier Driencourt n’exclut pas une rupture des relations diplomatiques entre les deux capitales si l’accord venait à être révoqué. L’universitaire Pierre Vermeren estime qu’un tel geste serait un « casus belli » pour l’Algérie.

Tout cela pour des retombées peu évidentes. L’éventuelle dénonciation du traité ne mettrait pas fin à l’immigration algérienne, et quand bien même cela serait le cas, il restera toujours à gérer les 90 % des immigrants légaux qui proviennent des autres pays. Mais pour la droite, il s’agit sans doute d’acter la rupture avec l’Algérie, et de reconquérir le terrain perdu en faveur de l’extrême droite.

Et cette focalisation sur l’immigration algérienne ne fait pas l’unanimité en France. Le président du Modem (centre) François Bayrou, estime que l’idée de focaliser sur l’immigration est à « discuter ». « Il y a des responsables algériens, parfois de premier plan, qui pensent que ces accords ne sont pas bons », a-t-il dit dans un entretien à Cnews« Si vous focalisez toute cette question sur l’Algérie, à mon avis, vous vous trompez », a-t-il ajouté.

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