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Immunité, voyages, vaccination, décrue du covid : entretien avec le Dr Merabet

Immunité, voyages, vaccination, décrue du covid : entretien avec le Dr Merabet

Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP).

L’Algérie enregistre une décrue du covid-19, avec en moyenne 500 nouvelles contaminations en 24 heures. Pour le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), le Dr Lyes Merabet, l’Algérie « a passé le cap de la quatrième vague« . Entretien.

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Quelle lecture faites-vous de la situation épidémiologique en Algérie ?

La situation a commencé à se stabiliser. Depuis deux semaines les chiffres sont en train de retomber à des niveaux acceptables par rapport à la situation sanitaire. Nous avons passé le cap de la quatrième vague. Même si les chiffres annoncés sont en-deçà de la réalité, la décrue se ressent sur le terrain et au niveau des structures hospitalières.

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Il y a moins de malades au niveau des consultations, au niveau des urgences et de la réanimation. Mais il y a encore des décès, environ huit à dix par jour. De manière générale, la situation s’est nettement améliorée, nous sommes dans une décrue qui est amorcée, certes lentement, mais elle est bien amorcée.

Faut-il continuer à vacciner les Algériens contre le covid-19 ?

Absolument. Il faut non seulement continuer à se faire vacciner mais aussi faire ses rappels. Nous ne sommes pas en face d’une infection immunisante.

Si c’était le cas, nous n’aurions pas été dans le besoin de faire vacciner toute la population et insister sur la nécessité de faire la deuxième et troisième dose de rappel. Le Coronavirus, comme le virus de la grippe, est connu pour sa mutation.

Ce sont des infections qui ne sont pas immunisantes. Nous avons affaire à plusieurs variants. Ces infections ne confèrent pas d’immunité satisfaisante et durable d’où l’intérêt de la vaccination.

Le défi à relever est toujours de réussir les campagnes de vaccination pour espérer atteindre un taux de 70 % de la population vaccinée. Nous sommes malheureusement très en retard par rapport à cet objectif.

Peut-on espérer atteindre l’immunité collective ? Certains spécialistes misent sur cette stratégie…

Pour parler d’immunité collective, il faudrait être en face d’une maladie immunisante ce qui n’est absolument pas le cas. Des gens ont été infectés et ré-infectés.

C’est une maladie qui ne confère pas d’immunité durable, satisfaisante ou acceptable pour prendre le risque de laisser le virus circuler. D’autre part, si on laisse le virus circuler et qu’on n’est pas protégé, il y a un risque de décès, particulièrement pour les femmes enceintes, pour les personnes âgées ou qui ont des comorbidités.

Nous serons responsables de la contamination de ces personnes vulnérables. Cela va non seulement mettre la pression sur les structures de santé mais alimenter, aussi, les listes de décès.

Il faut être mesuré et responsable. Je suis contre cette stratégie. On ne peut parler d’immunité collective uniquement lorsque nous sommes face à une maladie immunisante. La seule solution actuellement est la vaccination de masse.

Dans l’Union européenne, il est vrai que cette idée est avancée. Il y a un consensus qui se dégage de lever les gestes barrières et le pass vaccinal d’ici le mois de mars, mais cela peut être fait uniquement parce qu’ils ont fait d’importantes campagnes de vaccination chez eux et qu’ils ont créé une immunité collective induite par la vaccination.

La moyenne de vaccination dans ces pays est de 75 %. Certains pays ont même une couverture vaccinale qui a dépassé les 90 %. Ils ont réussi le pari de la vaccination.

En Algérie, il faut tout d’abord lever cette situation de résistance par rapport à la vaccination, avancer sur l’objectif de vacciner 70 % de la population, à partir de là, nous pourrons penser à lever certaines restrictions et mesures barrières.

Mais aujourd’hui, nous ne sommes pas dans cette configuration et pas à ce niveau. À ce jour, ce serait précipité de parler de lever les gestes barrières.

Des vaccins homologués par l’OMS, tels que le Sinovac ou le Sinopharm, ne sont  toujours pas reconnus par des pays européens tel que la France. Pourquoi ?

Cela renvoie à des considérations politiques et de stratégies commerciales. Si les vaccins sont homologués par l’OMS, ils devraient être reconnus dans tous les pays.

Je ne peux que dénoncer en tant que médecin cette manière de faire. C’est être en opposition avec les recommandations de l’OMS. L’Europe est membre de cette organisation (l’OMS), elle doit donc suivre ce qui a été validé et faire en sorte d’appliquer les recommandations.

Cela a été fait mais il y a un soubassement qui n’a rien avoir avec la santé publique derrière ce genre de décision. Ce sont des décisions commerciales. On veut faire la promotion des vaccins qui circulent en Europe et qui ont fait l’objet d’importantes campagnes publicitaires pour gagner des parts de marché dès le début de la pandémie.

Dans notre pays, nous avons utilisé plusieurs vaccins à la fois mais la majorité des Algériens ont reçu des vaccins de fabrication chinoise (le Sinovac et le Sinopharm).

Il n’est pas normal que ces vaccins soient reconnus par l’OMS mais pas dans tout l’espace Schengen. La question suscite des débats et des négociations entre les pays.  Nous devons essayer de voir comment faire valoir ces vaccins et les faire accepter partout.

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