Économie

Investissement : le nouveau code à l’épreuve de l’administration

L’Algérie a adopté un nouveau code de l’investissement. Le nouveau texte va-t-il peser face à une administration omnipotente et tentaculaire ?

Le projet de loi sur les investissements a finalement été approuvé par le président de la République en conseil des ministres, jeudi 19 mai. Il ne reste plus que la formalité du passage devant les deux chambres du Parlement pour que le texte entre en vigueur.

L’accouchement aura été difficile pour le nouveau code, c’est le moins que l’on puisse dire. L’amélioration du climat des affaires et la levée des contraintes bureaucratiques qui entravent l’investissement productif est l’un des engagements du président Abdelmadjid Tebboune.

L’importance d’un tel projet pour le pays est vitale, la relance et la diversification de son économie étant tributaires d’un investissement massif national et étranger qui, à son tour, nécessite un climat sain, des garanties et des lois claires et stables. Malgré son importance, l’élaboration d’un nouveau texte prenant en charge ces impératifs a traîné en longueur.

Présenté à deux reprises devant le conseil des ministres, il a été renvoyé autant de fois pour « enrichissement ».

Pour prendre le bon côté de la chose, cela démontre l’importance qui est accordée à la nouvelle loi et exprime le souci d’avoir un texte qui comble les nombreuses failles qui ont fait du climat des affaires algérien ce qu’il est.

Le président Tebboune a notamment indiqué qu’il voulait une loi pérenne, qui restera valable pendant au moins dix ans.

Le communiqué qui a sanctionné le conseil des ministres extraordinaire de jeudi 19 mai a fait état de la « satisfaction » du chef de l’État de la prise en charge des remarques et propositions faites précédemment. Cela signifie-t-il que l’Algérie sera bientôt dotée d’une loi adéquate pour améliorer son attractivité et, partant, diversifier son économie ?

En attendant l’évaluation qui sera faite le moment opportun, c’est-à-dire au moins une année où deux, voire plus, après l’entrée en vigueur du texte, quelques remarques sont d’ores et déjà faites sur ses dispositions et son esprit.

Le Centre de réflexion sur l’entreprise (CARE), un think-tank algérien, est allé droit au but en regrettant que la nouvelle loi reste toujours dans la logique des incitations financières, au lieu d’introduire de fortes garanties pour les investisseurs.

« Les investisseurs ont plus besoin de garanties générales d’entrée sur le marché et de conditions d’établissement transparentes que d’avantages financiers ou d’exonérations particulières », estime le CARE qui pose ainsi un problème de fond sur l’investissement en Algérie.

Les investisseurs nationaux et étrangers se sont toujours plaints de l’insécurité juridique qui caractérise le climat des affaires en Algérie.

Le nouveau code à l’épreuve à l’épreuve de l’administration

D’autres remarques peuvent être soulevées concernant le rôle toujours important de l’administration dans le processus de lancement des investissements à travers notamment les deux organismes ANDI et CNI qui ont été maintenus, avec certes une redéfinition de certaines de leurs missions.

L’administration avec ses différents démembrements, c’est l’un des principaux freins qui empêchent l’investissement productif de prendre son envol, de l’aveu même des plus hautes autorités du pays.

Début décembre dernier, le président de la République a poussé un véritable coup de gueule contre les différents démembrements de l’Etat qui se comportent en facteur bloquant au lieu de jouer pleinement leur rôle qui est, logiquement, d’accompagner les investisseurs et leur faciliter les choses.

Ce jour-là, Abdelmadjid Tebboune a révélé des chiffres ahurissants sur le nombre d’usines prêtes mais qui attendent un bout de papier de l’administration pour entrer en production.

Il a mis fermement en garde contre de tels comportements et, depuis, on ne compte plus les projets débloqués aux quatre coins du pays. Si les responsables de cette situation n’ont pas été sanctionnés, c’est parce que les blocages ne se font pas toujours à dessein, mais souvent à cause de la multiplication des intervenants, la dilution et l’enchevêtrement des prérogatives et l’ambiguïté des textes et des procédures régissant l’investissement en Algérie.

C’est dans ce genre de terrain que prolifère la corruption et l’impunité. Des dispositions ont été introduites dans le projet de loi, comme l’extension des prérogatives des membres des guichets uniques, mais il faudra attendre de voir ce que donnera la réalité du terrain.

La nouvelle loi sera jugée à l’aune de sa capacité à annihiler, au profit des investisseurs, toute embûche émanant de l’administration et des lobbys qui activent dans les coulisses sombres de l’administration.

En Algérie, « l’administration s’est substituée à l’Etat. Elle s’est imposée comme un pouvoir. Elle a sa logique, sa clientèle. Il y a un discours politique d’ouverture, et l’administration entrave ensuite les réformes politiques. Elle l’avait déjà fait sous les présidents Chadli et Zeroual », pointe Abdelaziz Rahabi, diplomate et ancien ministre.

Sur un autre registre, ceux qui diront que la loi sur les investissements n’est pas suffisante n’auront pas tout à fait tort. Car l’investissement ce n’est pas une affaire d’une seule loi, d’un agrément puis le lancement effectif de projets.

C’est aussi, et surtout, leur gestion au quotidien, leur développement et leur pérennité, des aspects sur lesquels la loi dont on parle n’a aucune emprise, et qui dépendent de la viabilité du reste de l’arsenal juridique qui régit le système bancaire ou fiscal, les relations de travail, le transport, le foncier, l’énergie…

Même l’environnement joue un rôle clé. En somme, beaucoup de réformes attendent l’Algérie, celle du cadre de l’investissement n’est qu’un début.

En dix ans, de 2010 à 2020, l’Algérie n’a attiré que 13,55 milliards de dollars d’investissements directs étrangers, contre 54,01 milliards pour l’Egypte, 25,41 milliards pour le Maroc et 9,58 milliards pour la Tunisie, selon les données publiées par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (UNCTAD).

Depuis 2016, les chiffres des IDE sont dérisoires, avec 1,13 milliard de dollars en 2020, 1,38 milliard de dollars en 2019, 1,47 milliards en 2018, 1,23 milliard de dollars en 2017 et 1,63 milliard de dollars en 2016.

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