Société

Ksar Tafilelt, la ville algérienne dont tout le monde parle

Une ville algérienne fait parler d’elle dans le monde. Et ce n’est même pas un chef-lieu de wilaya. Ni même de commune. Une ville sans monuments historiques ou sites naturels célèbres.

Et ce n’est pas non plus un pôle industriel. Ksar Tafilelt est un quartier de Bounoura, une commune de Ghardaïa et l’une des sept cités du M’zab. On en parle car ce quartier nouvellement créé est considéré comme la première ville éco-citoyenne d’Algérie.

Il y a encore 20 ans, Ksar Tafilelt n’existait pas encore. En 2014, elle a reçu le prix de la Ligue arabe pour l’environnement et en 2016, celui de la ville durable à la COP-22 à Marrakech.

Le secret ? Le quartier a été conçu dès le début pour être une ville écologique, construite avec des matériaux locaux et respectant l’environnement. La culture mozabite d’entraide et d’organisation a fait le reste.

Mais l’idée appartient à un seul homme, Ahmed Nouh, qui a créé en 1997 la fondation Amidoul. Son objectif était d’apporter une réponse écologique et locale à la crise du logement qui n’épargnait aucune ville d’Algérie.

La fondation a acheté à l’Etat une parcelle d’une vingtaine d’hectares perchée sur un plateau dominant la vallée du M’zab. Les travaux commencent en 2000. Puis c’est le succès avec un millier de maisons et 6000 habitants dès 2013. Depuis, l’expansion de la ville et sa démographie s’est stabilisée.

Ses concepteurs ont dû faire face à plusieurs défis. Comment créer une ville dans une zone rocheuse en plein désert, à moindre coût pour être accessible aux petites bourses, et surtout une ville qui permet de mieux supporter les conditions climatiques difficiles tout en consommant le moins d’énergie possible. Les Mozabites en connaissent quelque chose, eux qui ont dompté le désert pendant plusieurs siècles.

Transmission

Pour la construction des maisons de Ksar Tafilelt, les idées d’antan furent très utiles. Les matériaux sont extraits sur place. Pas de béton, mais de la pierre, du plâtre et de la chaux.

D’une pierre, plusieurs coups : ces matériaux ne coûtent pas grand-chose, sont disponibles à proximité et sont d’excellents isolants naturels. Une température de 45 degrés à l’ombre est tout à fait habituelle en été dans la région.

Grâce à ces matériaux, il fait moins chaud l’intérieur. L’architecture est aussi ingénieuse. Les maisons ne dépassent pas un étage et sont très rapprochées. Les ruelles sont étroites.

« Il faut des ruelles étroites pour casser les vents dominants et les vents de sable. Et quand elles sont étroites, vous voyez qu’il y a beaucoup d’ombre. Il ne faut pas oublier qu’on est en plein Sahara. En été ça tape », explique celui qui est à l’origine de tout ça, Ahmed Nouh, à AJ+ qui a consacré un reportage à la ville.

Tout ce qui relève de projets écologiques à long terme, voire chimériques pour de nombreux pays, est ici à Ksar Tafilelt une réalité palpable. Éclairage public à l’énergie solaire, 50% des eaux usées recyclées biologiquement et déchets ménagers triés. Le nettoyage et l’entretien est assuré à tour de rôle par les habitants. Chaque famille doit effectuer cette tâche pendant une semaine. Et ça marche.

Les concepteurs de la ville ont aussi intégré le concept de l’agriculture biologique. Dans un éco-parc abritant aussi un parc animalier, les animaux sont nourris en partie par les restes ménagers et chaque habitant est tenu d’entretenir au moins un palmier, un arbre d’ornement et un autre fruitier.

Seddik Karim, animateur à l’éco-parc, ne s’en enorgueillit pas, reconnaissant que tout ça est d’abord un héritage ancestral. « On n’a rien inventé, on perpétue juste les traditions de nos ancêtres. On prépare la base avec nos enfants. On est presque sûrs que demain sera meilleur », prévoit-il, optimiste. Chez les M’zab, tout est en effet une question de transmission.

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