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La découverte algérienne qui permettrait d’exploiter les déchets plastiques

La découverte algérienne qui permettrait d’exploiter les déchets plastiques

Shutterstock

Le 8 mai dernier, Hafid Aourag, directeur général de la recherche scientifique au ministère de l’Enseignement supérieur, annonçait la révélation prochaine d’une découverte algérienne qui allait « sauver l’humanité et asseoir le développement durable ».

À la veille du Salon consacré aux produits de la recherche, qui a eu lieu du 18 au 21 mai dernier, le directeur général du Centre national de développement des énergies renouvelables (CDER), Noureddine Yassa, indiquait à la radio nationale la découverte par Saïd Bouhelal, chercheur algérien de l’université de Sétif, d’une technique permettant de régénérer les déchets en plastique à leur état initial. La découverte permettrait de protéger l’environnement et de limiter le recours aux ressources conventionnelles, a expliqué le responsable (à partir de 8’30 sur cette vidéo).

Le travail de toute une vie

On est loin de la découverte qui « sauve l’humanité » promise par le professeur Aourag. Mais pour le professeur Bouhelal, cette découverte est le travail de toute une vie. L’invention a fait l’objet d’un premier brevet déposé en Algérie en 2001, puis d’une demande internationale de brevet (PCT) qui a été déposée en 2002, indique ce dernier contacté par TSA.

« En 2003, nous avons fait la domiciliation aux États-Unis, suivie par l’apparition du premier brevet en 2006. Plusieurs brevets ont aussi été déposés en 2007 et 2009. Il existe six brevets américains » sur ce projet. Selon lui, il s’agit d’ailleurs « des six premiers brevets comptabilisés pour l’Algérie aux États-Unis ».

« Nous avons démarré par la réaction avec un polymère. Puis les brevets suivants concernent le fait que cette réaction puisse marcher avec tous les polymères réguliers (…) La réaction est devenue une méthode qui est désormais un procédé. Maintenant, on commence à découvrir ce qu’on peut faire avec mon travail », détaille Said Bouhelal.

L’invention du professeur et chercheur algérien a été développée aux États-Unis en collaboration avec la société SMH Polymers, spécialisée dans le recyclage du plastique. Dans une vidéo promotionnelle, cette entreprise présente d’ailleurs la découverte comme étant « exclusive » et « unique ».

« C’est seulement après l’installation et les essais à échelle industrielle que la société a souhaité communiquer. Désormais, nous vendons ces produits que personne ne pouvaient utiliser », relate le professeur qui indique avoir effectué l’intégralité de son cursus académique en Algérie et avoir à son actif une quinzaine de publications internationales dans des journaux renommés, dont le Journal of Polymer Engineering.

« On ne vend pas un brevet, on vend des licences d’exploitation. La société SMH qui est une multinationale implantée également en Arabie saoudite, Inde et Émirats arabes unis, a acheté une licence d’exploitation et une exclusivité à travers le monde pour la récupération de ces plastiques. La régénération des plastiques ne compose qu’une partie des brevets. Maintenant on cible une vingtaine de licences », poursuit-il.

Les difficultés de la recherche en Algérie

Il revient ensuite sur les difficultés rencontrées lors de son parcours au début des années 2000. « Ce n’était pas évident pour moi car en Algérie, il n’y avait pas la législation, ni les moyens d’accompagnement pour ces recherches. J’ai pris les choses en main en commençant par m’autofinancer puis au lieu d’abandonner à mi-chemin, j’ai pu contacter des gens aux États-Unis, qui ont proposé de s’associer à mon projet », détaille le professeur Bouhelal. « Dans le cadre de notre convention, c’est eux qui prennent en charge toutes les dépenses, y compris la promotion des brevets. Ils ont investi dans mes travaux et ils ont des parts ».

Et d’expliquer la solitude que peuvent rencontrer les chercheurs. « La différence entre l’Algérie et les pays développés c’est que là-bas il y a tout. Ce n’est pas une question d’argent, mais de structure. Il y a l’inventeur qui fait son travail, le coach qui fait son coaching, les Business Angels, ces personnes très crédibles au niveau industriel, qui font la promotion. Moi, j’ai dû tout faire seul et persévérer dans les travaux ». Il estime néanmoins que l’Algérie peut bénéficier d’une reconnaissance scientifique à travers ses recherches. « Les brevets sont très importants, même s’ils ne sont pas vendus, ils donnent une notoriété au pays et orientent la recherche », détaille le professeur.

« Je n’ai pas vendu des brevets mais une seule licence. En toute liberté, j’ai donné à la direction générale l’autorisation de gérer la chose, de décider et choisir des institutions ou des sociétés, de faire ce qu’elle veut de mes brevets. J’ai fait une convention selon laquelle elle peut exploiter toutes les applications qui sont générées à partir de ma technique sauf le cas des recyclés car il a fait objet d’une licence d’exploitation exclusive », précise ensuite le professeur Bouhelal.

Donner une deuxième vie aux plastiques

Hafid Aourag, directeur général de la recherche scientifique au ministère de l’Enseignement supérieur qui a présenté cette découverte comme étant majeure, réaffirme ses propos, tout en les nuançant.

« Aujourd’hui, qu’est-ce qui est le problème numéro 1 pour l’humanité ? », s’interroge Aourag, contacté par TSA, « c’est l’environnement, la pollution et le développement durable pour les générations à venir (…) Si on trouve une solution pour tous ces articles, c’est réellement une révolution en elle-même. En tant que scientifique, j’y vois quelque chose de majeur. On ne va plus produire de plastique mais réutiliser les polymères et ça va réellement changer la planète (…) C’est une révolution à mon sens mais chacun peut la voir à sa façon », soutient Hafid Aourag.

« La récupération du plastique, ce n’est pas nouveau, c’est quelque chose qui existe dans le monde. Avec ma technique, je prends n’importe quel type de polymère et j’ajoute quelque chose, je le modifie. Je donne au polymère des propriétés additionnelles que les producteurs ne peuvent pas faire. Je perfectionne sa structure », explique par ailleurs le professeur Bouhelal.

« L’originalité réside dans le fait que des matériaux que personne ne pouvait réutiliser et qui pouvaient devenir des polluants non biodégradables aient une deuxième vie. On a pu faire en sorte que les performances de nos recyclés soient meilleures que celles de n’importe quelles matières premières », avance le professeur qui précise ne pas avoir cherché à médiatiser ses recherches et qui semble dépasser par l’intérêt suscité par ses travaux.

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