Économie

Le frik algérien à l’assaut des tables parisiennes

La chorba frik, cette délicieuse soupe au blé concassé, auparavant cantonnée à l’est du pays, séduit les consommateurs partout en Algérie et même à l’étranger. Au centre du pays mais également dans l’Oranie, ce plat concurrence la traditionnelle hrira. Les agriculteurs trouvent là un nouveau débouché à leur production de blé.

Le frik, de l’est algérien à Paris

« Vous vous rendez compte », confiait récemment un consommateur originaire de Tlemcen : le « Frik est aujourd’hui vendu à 350 DA le kilo ». Aujourd’hui, il va jusqu’à détrôner les pâtes traditionnelles utilisées dans la hrira.

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« Enfant, je me rappelle ma mère passant des heures à rouler entre ses doigts de fins boudins de pâte de semoule pour la hrira. Aujourd’hui, les femmes n’ont plus le temps », confie ce même consommateur. Il poursuit : « À la maison, c’est le frik qu’on utilise dans la hrira ».

Jusqu’aux consommateurs étrangers qui découvrent aujourd’hui le frik algérien sous le nom de Freekeh (blé vert). Le site français Metrotime lui consacre un article élogieux : « Il contient trois fois plus de protéines que le riz, connaissez-vous le freekeh ? », et va jusqu’à énumérer les recettes mises au point dans de prestigieux restaurants proches des Champs Élysées à Paris.

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Pour le site Nature-via, « Le freekeh contient 16 grammes de fibres pour 100 grammes, le riz brun seulement 4 grammes et le quinoa 5 grammes ». Ce qui en fait aujourd’hui « l’aliment à la mode ».

Affiché en moyenne entre 10 et 15 euros le kilo dans les points de vente français, le frik est décliné sous différentes versions : naturel, bio et même fumé.

Des machines mises au point par des agriculteurs

Pour produire du frik, il est nécessaire de disposer d’épis de blé. Ce sont en effet, ces épis récoltés encore verts avant maturation qui seront flambés quelques minutes afin de griller les grains de blé.

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Problème, les moissonneuses-batteuses actuelles sont faites pour récolter des grains et non des épis. Aussi, traditionnellement les épis de blé sont récoltés à la main. Depuis quelques années, des agriculteurs de l’est algérien ont conçu une machine pour récolter des épis.

Ils ont ainsi installé une faucheuse mécanique à l’avant d’une remorque. Résultat, les épis sont récoltés mécaniquement ce qui augmente la cadence des chantiers.

Autre innovation. Une fois séchés, les épis sont rassemblés en tas et partiellement enflammés grâce à une lance métallique reliée à une bouteille de gaz.

Une fois les épis grillés, à l’aide de fourches, ils sont introduits à l’avant d’une moissonneuse-batteuse utilisée en poste fixe. De cet engin sortent enfin les grains qui seront alors ultérieurement concassés dans un moulin.

Le frik, un produit de terroir

Au prix de détail de 350 DA le kilo et donc de 35 000 DA le quintal, la production de frik est bien plus avantageuse que le blé dur acheté 6 000 DA le quintal par les Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS).

Mais comme on le voit, produire du frik est une opération longue et relativement peu mécanisée. Elle demande l’emploi d’une nombreuse main d’œuvre. Aussi, ce type de transformation n’intéresse pas les grandes exploitations agricoles.

Elle reste l’apanage des petites exploitations des zones marginales. Cependant, en l’absence d’organisation des circuits de commercialisation, les producteurs restent dépendants de grossistes dont, certains n’hésitent pas à s’accaparer l’essentiel de la valeur ajoutée.

Un label pour le frik de terroir

Jusqu’à présent la production de frik n’a fait l’objet d’aucuns travaux de recherche. Il serait intéressant d’étudier les variétés de blé les plus adaptées à ce type de transformation, toutes non pas la même tenue à la cuisson.

L’apport d’engrais azotés détermine grandement le taux de protéines des grains. Ce taux pouvant varier, en moyenne, de 11 à 17 % selon la quantité d’azote apportée par l’agriculteur. Une quantité qui doit donc être précisée selon le type de sol.

La production de frik n’intéresse pas les CCLS qui pourtant commercialisent au détail pois chiche, lentille et haricot blanc. Vendu à travers ces points de vente, le frik pourrait échapper à la spéculation.

Enfin, les Chambres d’agriculture des zones de production pourraient instruire des dossiers afin de demander une labellisation du frik de terroir. Un produit qui est le plus souvent cultivé en bio.

La production de frik témoigne de cette capacité de la paysannerie algérienne à s’adapter aux conditions parfois ingrates du milieu et de la capacité de résilience de l’agriculture familiale. Une raison supplémentaire de trouver les moyens de donner les lettres de noblesse à ce produit traditionnel trait d’union entre gens des villes et des campagnes.

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