Une intervention militaire au Niger étrangère demeure-t-elle l’unique option pour rétablir le président élu Mohamed Bazoum renversé par un putsch militaire le 26 juillet dernier ?
En dépit des appels de certains pays et d’acteurs régionaux, comme l’Algérie, à favoriser l’option diplomatique, l’idée d’un déploiement d’une force d’intervention des pays de la Cédéao fait son chemin.
Appuyée par la France, cette communauté, réunie jeudi lors d’un sommet à Abuja, au Nigeria, a acté le projet de recours à la force pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger.
Et ce samedi, les chefs d’Etats-majors de la Cédéao devaient se réunir pour finaliser le projet d’intervention militaire, mais ils ont reporté leur réunion.
Réputé proche de la France, le président ivoirien Allassan Ouattara dont le pays fait partie de la Cédéao, a même estimé que cette intervention devrait avoir lieu dans les « plus brefs délais ».
Mais le report de la réunion de ce samedi suggère-telle l’existence de divergences entre les membres de la Cédéao sur le choix de l’option dont les conséquences, au regard des expériences libyenne et syrienne, risquent de se révéler désastreuses sur la stabilité du Sahel et au-delà ?
Rien n’est moins sûr. Le président nigérian Bola Ahmed Tinubu avait jugé, lors du sommet de la Cédéao jeudi, « essentiel » de donner la « priorité à la diplomatie » dans la recherche d’une solution à la crise au Niger.
Et les expériences éprouvées par le passé dans certains pays ont montré aussi que le choix des sanctions économiques ou encore des interventions militaires n’ont fait qu’accentuer le chaos dans ces pays.
Niger : le jeu dangereux de la Cédéao, le silence complice du Maroc
« La solution militaire, au détriment d’une approche globale politique et économique, a pourtant montré ses limites ces deux dernières décennies au Sahel et ne fera qu’ajouter le désordre au désordre », a souligné dans une tribune publiée sur El Watan, le diplomate Abdelaziz Rahabi.
L’ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid a remarqué que le recours à la force dans la pratique internationale est « l’ultime étape d’un processus de bons offices, d’échanges, de dialogue, de médiation et de négociations ». Abdelaziz Rahabi a rappelé que ce processus n’était engagé dans son intégralité avec le Niger.
Dès lors la question est de savoir pourquoi cet empressement de la Cédéao à envisager une option militaire avant d’avoir épuisé toutes les voies diplomatiques.
Et pourquoi ne sollicite-t-elle pas l’appui de tous ceux qui pourraient concourir à trouver une issue pacifique à l’impasse nigérienne ? Et pourquoi l’Union africaine se complait dans le silence ? D’autant que rien de garantit le succès de l’intervention militaire.
Situation au Niger : les risques pour l’Algérie
Même si théoriquement l’armée nigérienne n’est pas de taille pour faire face aux armées de la Cédéao, le rétablissement de Mohamed Bazoum dans ses fonctions ne pourra pas résoudre à lui seule la crise politique dans ce pays. La Cédéao va-t-il ensuite assurer la sécurité de Bazoum et déployer des militaires au Niger pour éviter un autre coup de force ?
A bien des égards, l’empressement de la Cédéao, du moins pour un certain nombre de ses membres, pour recourir à la force obéit à des injonctions extérieures.
Si l’Algérie a exprimé fermement son opposition à l’usage de la force, la France a apporté un soutien franc à une intervention militaire de la Cédéao au Niger.
Le Maroc, lui, observe un silence complique et ne verrait pas d’un mauvais œil l’ouverture d’un autre front de tension à la frontière sud de l’Algérie, un pays avec lequel il est compétition pour l’acheminement du gaz nigérian vers l’Europe. Pour ce projet, deux gazoducs sont en compétition.
Le premier reliera le Nigéria à l’Algérie via le Niger. Le second traversera 14 pays : Nigeria, Bénin, le Ghana, le Togo, le Liberia, la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone, la Guinée, la Gambie, la Guinée-Bissau, le Sénégal, la Mauritanie, le Sahara occidental occupé et le Maroc.
Les promoteurs du gazoduc Nigeria – Maroc (NGMP) ne tiennent pas de l’occupation du Sahara occidental et de son statut de territoire non autonome. On voit clairement qu’une détérioration de la situation sécuritaire au Niger n’est pas favorable au gazoduc Nigeria – Algérie (TSGP).
Une détérioration de la situation au Niger mettra à rude épreuve l’Algérie au double plan sécuritaire et économique, avec une hausse des flux migratoires et de la menace terroriste aux frontières avec ce pays. Ce n’est pas sans raison d’ailleurs que l’Algérie a mis en garde, dès le renversement de Bazoum, contre une intervention militaire au Niger.
Allié de la junte au pouvoir à Niamey, le Mali et le Burkina Faso ont eux aussi mis en garde contre une intervention militaire auquel cas elle sera considérée comme une « déclaration de guerre à leurs pays ».
Restera maintenant à savoir si les rapports de force, la sagesse et la diplomatie finiront par l’emporter. Faute de quoi, ce serait une aventure qui installera le Sahel et partant tous les pays qui l’entourent dans des situations aux terribles conséquences. Le Niger risque de connaître le même sort que le Libye qui peine à retrouver le chemin de la stabilité, 12 ans après la chute du dictateur Mouammar Kadhafi.
L’intervention militaire dans ce pays pour éviter un bain sang a plongé la Libye dans l’instabilité et les violences armées entre les milices armées de l’est et de l’ouest du pays, et aucune solution ne se dégage à l’horizon, en raison des intérêts opposés des puissances étrangères intervenant dans ce conflit.
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