Politique

Législatives : un scrutin à enjeux multiples

Les Algériens sont appelés aux urnes ce samedi 12 juin pour élire les nouveaux députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), dans un contexte de crise politique, social et économique.

Ces élections législatives anticipées, rejetées par le Hirak, est le troisième scrutin qu’organise l’Algérie depuis la chute du président Abdelaziz Bouteflika qui a été forcé à la démission par la révolution populaire en avril 2019. Il y a eu l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 et le référendum sur la révision de la Constitution le 1er novembre dernier.

Contexte tendu

Ce scrutin survient dans un contexte politique tendu marqué par l’empêchement des marches du Hirak notamment à Alger, et la poursuite des arrestations des militants et les activistes du mouvement populaire.

Jeudi, les journalistes Khaled Drareni et Ihsane El Kadi ainsi que le militant et activiste Karim Tabbou ont été arrêtés, avant d’être relâchés dans la nuit de vendredi à samedi.

Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), plus de 210 détenus d’opinion croupissent dans les prisons algériennes.

Le premier enjeu des élections de ce samedi, qui ont été annoncées le 18 février dernier par le président Abdelmadjid Tebboune, est la participation.

Les deux précédents scrutins, la présidentielle du 12 décembre 2019 et le référendum du 1er novembre dernier, ont été marqués par des taux de participation historiques bas avec à peine 40 % pour la présidentielle du 12/12, et un peu plus de 23 % pour le référendum sur la révision constitutionnelle.

Pour cette fois, le pouvoir, qui poursuit l’application de sa feuille de route qui consiste à mettre en place de nouvelles institutions post-Bouteflika, a besoin d’un Parlement légitime pour entamer les réformes dont le pays a besoin pour sortir de la grave crise qui le secoue depuis des années.

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L’enjeu de la participation

Le risque est d’avoir une APN sans la participation de la Kabylie où les principales forces politiques ont décidé de boycotter le scrutin. Un troisième « zéro vote » dans cette région, après ceux de l’élection présidentielle et du référendum constitutionnel, n’est pas à écarter.

Le deuxième enjeu est d’élire la première APN, sans fraude. Depuis l’ouverture démocratique d’octobre 1988, la plupart des scrutins ont été entachés de graves fraudes électorales, de l’aveu même des tenants du pouvoir.

Pour le scrutin de ce samedi, l’Autorité nationale des élections (Anie) insiste depuis plusieurs jours sur la transparence du scrutin. En visite jeudi au siège de cette instance, le président Tebboune a déclaré que l’ère des quotas, qui caractérisaient les précédents scrutins était « révolue ».

Des assurances qui permettent au président du MSP Abderrazak Makri dont la formation participe au scrutin, de croire que cette fois les voix des militants et des partisans de son parti ne seront pas détournées. Makri voit déjà son parti remporter le scrutin et se dit même prêt à diriger le gouvernement. Les partis islamistes qui ont tous décidé de prendre part au scrutin se voient déjà majoritaires au Parlement, mais leur victoire n’est pas acquise.

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Configuration de la prochaine APN

La configuration de la prochaine APN est l’autre enjeu de cette élection inédite.  Des observateurs prédisent la victoire des indépendants dont la participation massive pourrait brouiller les cartes des partis politiques.

Si la paire FLN-RND, symbole du règne chaotique de Bouteflika, n’a quasiment aucune chance de rester majoritaire au Parlement, des interrogations subsistent sur les intentions du président Tebboune de se doter d’un parti ou d’une alliance présidentielle, avec les indépendants et des partis de la mouvance démocratique dits « modérés ».

La question lui a été posée dans l’entretien qu’il a accordé au magazine français Le Point, publiée mercredi 2 juin.

« Tous les partis réunis ne totalisent pas 800 000 militants, alors que nous sommes près de 45 millions d’Algériens ! Plus tard, peut-être, lorsque les institutions auront repris leur place et leurs fonctions, libérées du diktat de l’argent sale, on pensera à créer un parti présidentiel. Mais pas pour le moment », a-t-il dit.

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