Politique

Les relations Algérie-France vues par un ex-ambassadeur à Alger

Libéré de l’obligation de réserve depuis qu’il a pris sa retraite en 2020, l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, livre le fond de sa pensée sur les relations entre les deux pays.

Dans un entretien à l’AFP à l’occasion de la sortie de son livre « L’énigme algérienne », le diplomate français, qui a fait deux passages à Alger comme ambassadeur, entre 2008 et 2012 puis entre 2017 et 2020, ne se montre pas optimiste pour une relation solide et apaisée entre l’Algérie et la France.

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 « Les Algériens ne comprennent que le rapport de force. Il faut que nous aussi on ait un discours qui soit plus clair », dit-il.

« Il faut qu’on ait une position moins timorée, beaucoup plus forte », estime-t-il. Pour lui, la France qui a « trop souvent tendu l’autre joue après avoir reçu une gifle », est « paralysée » de peur de « fâcher », de subir des « mesures de rétorsion » et de perdre l’attention d’un acteur clé pour la sécurité au Sahel et la lutte contre l’immigration clandestine.

L’Algérie et la France sortent à peine d’une brouille diplomatique qui a duré plusieurs mois, déclenchée par des propos controversés tenus fin septembre dernier par le président Emmanuel Macron.

L’ancien ambassadeur de France en Algérie estime que les Algériens ont opté pour la Chine. « Dans le fond, les Algériens ont fait le choix de la Chine », a-t-il dit, ajoutant : « Nous, ils nous mènent en bateau. Il n’y a qu’une chose qui les intéresse dans la relation avec la France, ce sont les visas ».

Ces propos interviennent alors qu’un haut responsable algérien vient de faire les éloges de la coopération avec la Chine. Dans un entretien à la chaîne chinoise CCTV, le président du Conseil de la nation (Sénat), Salah Goudjil, a déclaré cette semaine que « le pays du monde avec lequel on peut travailler et coordonner dans tous les domaines c’est la Chine ».

Les nouvelles générations «  ne nous seront pas favorables »

Xavier Driencourt critique en outre les responsables politiques français qui, selon lui, « n’ont pas une vision lucide et saine de la relation bilatérale parce que l’Algérie c’est autant de la diplomatie que de la politique intérieure », en allusion aux descendants des acteurs de la guerre d’Algérie et à la forte communauté algérienne en France.

« Du coup, on est conduit à avoir une gestion toujours minimaliste. Pendant la crise du hirak, on a trouvé cette formule miraculeuse ‘‘ni ingérence ni indifférence’’ parce que c’était ce qui nous gênait le moins. C’est difficile dans ce contexte-là d’avoir une relation équilibrée », estime Xavier Driencourt qui était en poste à Alger au moment du déclenchement du mouvement populaire, le 22 février 2019.

« Ces gens ne se réunissent pas concrètement autour d’une table avec un ordre du jour et un relevé de décisions. C’est quelque chose d’insaisissable, d’opaque, y compris pour les Algériens eux-mêmes », dit-il à propos des responsables algériens.

Il souligne que les gestes mémoriels du président Macron n’ont trouvé « aucun écho » et que les projets envisagés, comme l’ouverture en Algérie d’une « école 42 » de formation en codage informatique ou le coup d’envoi du Tour de France à partir d’Alger, sont restés lettre morte.

« Nos interlocuteurs nous disaient ‘‘c’est bon’’ et puis ça s’est arrêté et on n’a jamais eu d’explications […] Il y a un deus ex machina derrière qui a dit ‘‘non’’ », dénonce Xavier Driencourt.

Pour l’avenir, l’ancien ambassadeur de France en Algérie se montre pessimiste, estimant que la génération de la guerre de Libération sera remplacée par une autre « qui a été formée dans l’URSS brejnévienne et est aussi plus arabophone ».

« Ils ne nous seront pas forcément plus favorables », prévoit-il, de même que « la génération d’encore après », « formée au moment de la guerre civile algérienne » et «  plus tournée vers les pays du Golfe, l’Égypte ».

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