Économie

Levée des subventions : Raouya liste les premiers produits concernés

L’État envisage de revoir le système de subventions des produits de première nécessité. « Il est clair que cela ne peut pas continuer comme ça pour une simple équité sociale. Il n’est pas normal qu’un simple citoyen ne puisse pas profiter, parfois, de la subvention par rapport à quelqu’un qui perçoit un salaire plus important », a déclaré Abderrahmane Raouya, ministre des Finances, invité, ce lundi 2 juillet, de la rédaction de la Chaîne III de la radio nationale.

Il s’est appuyé sur des études, menées actuellement au niveau de son département, qui font apparaître que les ménages, qui ont le plus bas revenu, ne profitent de certains produits subventionnés (farine, sucre, huile et blé) qu’à 7%.

« Alors que ceux qui ont des revenus plus importants ont le double de ce pourcentage. Il faudrait y remédier. Une commission y travaille avec la Banque Mondiale. En tout état de cause, rien ne sera fait tant qu’on ne disposera pas de l’ensemble des paramètres pour la mise en place (d’un nouveau système). On ne touchera pas à la politique de subvention tant qu’on n’aura pas réglé définitivement l’identification des ménages, le montant et la manière de procéder. Cela va se faire avec l’ensemble des pouvoirs publics. Après la fin des études, on se retrouvera autour d’une table pour en rediscuter. Par la suite, une grande campagne de communication sera dirigée vers nos citoyens pour leur expliquer comment on doit y procéder. Un débat national ? Pourquoi pas. J’espère à partir de 2019 », a-t-il détaillé.

Selon lui, la levée de la subvention peut concerner en premier lieu l’énergie (carburant, électricité). L’eau ? « Peut-être, mais après », a-t-il répondu à la question de la journaliste.

La création monétaire n’est pas “une voie sans risque”

Abderrahmane Raouya a justifié le recours à la loi de finances complémentaire 2018 par la nécessité d’avoir une autorisation de programme de 500 milliards de dinars aux fins de permettre au FNI (Fonds national d’investissement) de financer certains projets (chemins de fer).

« Il y a aussi une disposition relative au commerce extérieur. Nous avons découvert que des produits finis importés avaient des avantages douaniers et autres dans les pays de production. Ce qui est inadmissible en matière de commerce extérieur. Nous prévoyons un système de taxation additionnelle provisoire. Nous devons rétablir notre balance commerciale avec les États avec lesquels nous sommes en accord », a-t-il dit.

Il a reconnu que le recours à la création monétaire (planche à billets) n’est pas une voie sans risque. « Mais le risque est mesuré. Nous prenons l’ensemble des règles de rigueur pour pouvoir maîtriser cet aspect de financement non conventionnel. L’inflation se situerait entre 4 à 3% sur toute la période 2018-2020. Nous avons prévu un taux de 5,5 % pour 2018. Cependant, jusqu’à maintenant, nous avons un taux qui tourne autour de 4 %. Donc, c’est maîtrisé », a-t-il noté.

Il a rappelé que le financement non conventionnel est destiné à l’investissement. « Il devrait permettre donc une croissance soutenue. C’est ce qui nous manque encore. Il faudrait que cette croissance revienne fortement. Pour l’instant, nous sommes sur le crédit à l’interne que nous maîtrisons bien évidemment en essayant d’utiliser l’ensemble des voies et moyens que ce soit le prêt bancaire ou le recours au FNI », a-t-il précisé.

Il a écarté le recours à l’endettement extérieur. L’exception sera, selon lui, le financement par un prêt de l’Etat chinois du projet du grand port centre d’El Hamdania (Tipaza). « Il y a des crédits qui peuvent être effectués (en extérieur) lorsque les investissements sont assez forts avec un rendement très appréciable », a-t-il prévu.

Croissance tirée par la dépense publique

« Il est malheureux que la croissance soit tirée par la dépense publique. L’ensemble des secteurs sont pris en charge par le budget de l’État. Nous espérons qu’il y ait des investissements étrangers ou nationaux. L’ensemble des règles et avantages sont là pour permettre la relance pour le secteur privé », a-t-il appuyé.

L’amélioration des recettes fiscales de l’État a permis, selon le ministre, de dégeler 600 milliards de dinars en projets. « Je rappelle que le gel de l’ensemble des projets est d’une valeur de 2200 milliards de dinars. Nous dégelons 600 milliards pour financer les infrastructures de l’éducation, de la santé et de l’enseignement supérieur. En matière d’éducation nationale, par exemple, 1400 structures vont être édifiées », a-t-il annoncé

2600 milliards de dinars de recouvrement fiscal en 2017

Le ministre des Finances a estimé qu’en matière de recouvrement fiscal, ce n’est jamais parfait. « Les efforts doivent continuer d’année en année. Le recouvrement était de l’ordre d’à peu près 400 milliards de dinars dans les années 2000. En 2015, nous étions à 2400 milliards de recouvrement, 2600 milliards en 2017. Il s’agit des chiffres de la DGI (Direction générale des impôts), je ne parle pas de la fiscalité ordinaire au complet. La Direction des Grandes entreprises est passée, depuis janvier 2018, à la télé-déclaration. Donc, aucun contribuable ne se présente au guichet de cette direction. Des travaux sont engagés pour généraliser cette télé-procédure au niveau des centres des impôts. Nous avons l’un des régimes les plus simplifié au monde surtout pour les petits contribuables (…) il faudra comprendre la sociologie de ce contribuable pour pouvoir le capter et le prendre en charge », a-t-il souligné.

L’IRG (Impôt sur le revenu global) représente, selon lui, de 20 à 25% du produit de la fiscalité ordinaire. « L’impôt qui rapporte le plus est celui de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée). Celui qui consomme le plus et a des revenus plus importants, dépense plus. Et donc, contribue plus. Il faut mesurer tout cela », a-t-il répondu à une question sur l’inexistence d’un impôt sur la fortune en Algérie.

« Aucune tolérance » dans la lutte contre la fraude

Le premier argentier du pays a estimé que la mise d’un système d’information est l’arme principale pour pouvoir lutter contre l’évasion fiscale. « Il faut identifier les risques de fraude. C’est là où l’action de l’administration doit être la plus forte. Nos banques mettent en place des dispositifs pour réguler la masse d’argent », a-t-il dit.

Ne pas combattre l’informel et la corruption peut signifier, selon lui, la fin d’un État. « Pour lutter contre ces phénomènes, il faut avoir une grille d’analyse et une autre sur les risques. Les administrations fiscales et douanières travaillent sur ces aspects modernes de lutte contre les phénomènes de fraude. Il n’y aura aucune tolérance en la matière », a-t-il promis.

Selon lui, les banques publiques financent l’économie à plus de 80%. « Ceci est anormal. Il faudrait que l’ensemble des banques sur la place d’Alger puissent financer l’économie. Les banques étrangères travaillent plus sur les aspects de commerce extérieur. Certaines d’entre elles commencent à s’intéresser au financement de l’investissement économique. J’espère qu’elles vont concurrencer les banques publiques qui pourront améliorer leur gestion et la diversification de leurs crédits. Je demande aux banques publiques de s’élargir, d’être sur le territoire national et d’ouvrir le plus grand nombre d’agences », a-t-il préconisé.

Un déficit estimé à 1800 milliards de dinars pour 2018

D’après lui, les banques publiques ne reçoivent pas de directives. « Ce qui est important est de moderniser leur système d’information. Je tiens au développement de la monétique, c’est important pour pouvoir assécher les liquidités qui existent en dehors du circuit bancaire et permettre aux banques d’avoir plus de capacités de financement », a-t-il noté.

La situation financière du pays est, selon lui, toujours tendue malgré la hausse des cours pétroliers. « Nous avons un déficit estimé, pour 2018, à 1800 milliards de dinars comblé par le financement non conventionnel. Ce déficit va certainement être repris en 2019. Quel que soit le prix du baril de pétrole, cela ne doit pas nous détourner de la rigueur », a-t-il rassuré.

« La seule source de devises dont dispose l’État algérien provient de la vente des hydrocarbures. D’où l’objectif de diversifier le plus possible l’économie et de pouvoir exporter plus de produits pour avoir de la devise. C’est là que le marché se stabiliserait. On pourrait alors prendre des dispositifs pour l’ensemble des citoyens », a-t-il promis.

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