Politique

« Main tendue », détenus d’opinion, corruption : Hanoune vide son sac

La secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT), Louisa Hanoune s’est montrée critique vis-à-vis des procès de la campagne anti-corruption lancée en Algérie après la chute du président Abdelaziz Bouteflika en avril 2019.

« C’est devenu une fabrique », a lancé Mme Hanoune dans un entretien vidéo au quotidien El Khabar, en citant les cas de deux anciens ministres : Khalida Toumi (ex-ministre de la Culture) et Youcef Yousfi (ex-ministre de l’Industrie), qui ont été condamnés à de lourdes peines de prison.

« Que fait Khalida Toumi en prison ? »

« Que fait Khalida Toumi en prison ? Tous ceux qui ont enquêté avec elle ont reconnu qu’elle n’a pas pris un centime. C’est une injustice, de la hogra, de la vengeance (…) Comme si elle a été sacrifiée pour un courant donné. Khalida Toumi n’a pas été poursuivie pour corruption. Elle était ministre et non gestionnaire », a exposé Mme Hanoune.

La SG du PT a abordé le cas de Youcef Yousfi : « L’innocence de Youcef Yousfi a été prouvée lors du procès, mais ensuite les verdicts tombent : 10 ans, 20 ans ».

Selon la patronne du PT, la corruption ne s’est pas arrêtée et le phénomène de la surfacturation s’est encore accru en Algérie, en dépit de cette opération anti-corruption d’une ampleur inédite, puisque de nombreux chefs d’entreprises et de ministres ont été lourdement condamnés.

« Tant qu’il y a une crise politique et que le même système continue, aucun gouvernement, aussi bonnes que soient les intentions, ne peut maîtriser les événements », a lancé la SG du PT.

Pour elle, « tant que le système qui a donné naissance à la corruption existe toujours, la corruption se propagera de plus en plus ».

Interrogée si elle compte adhérer à la politique de la « main tendue » du président Abdelmadjid Tebboune, Louisa Hanoune a précisé que cette initiative politique constituait « avant tout une reconnaissance limpide de l’existence de plusieurs fractures et que nous vivons une crise multidimensionnelle ».

« Jusqu’où ira cette répression ? »

Le président de la République qui a lancé une initiative « de rassemblement » a rencontré plusieurs chefs de partis dont ceux de l’opposition comme le Front des forces socialistes (FFS).

Le président Tebboune a qualifié l’initiative qu’il a lancée de « nécessaire pour la création d’un front interne soudé » alors que l’Algérie fait face à des défis internes et externes.

Aux rencontres individuelles avec les chefs des partis devrait succéder une « rencontre inclusive des partis politiques », selon le président Tebboune.

La SG du PT a donné son avis sur cette initiative politique. « Quand on parle de rassemblement, cela signifie qu’on vit de vrais problèmes », dit-elle. « C’est une reconnaissance qu’il y a plusieurs fractures : politique, sociale et dans tous les domaines », a-t-elle ajouté, estimant que l’Algérie est « dans une situation d’impasse totale ».

« Dans la réalité quotidienne, dans tous les domaines économique, social et culturel, il y a une dégradation », a estimé Mme Hanoune, ajoutant que les conséquences de la pandémie de Covid se révèlent « mortelles » pour de larges couches de la population algérienne.

Pour Mme Hanoune, la sortie de la crise passe en premier par la levée des restrictions sur les médias, notamment lourds, et par la libération de « plus de 300 détenus politiques ». « Le Hirak dont on disait qu’il était béni est criminalisé, c’est devenu une hérésie », a déploré la SG du PT.

Tout en soulignant que le Hirak ne se résumait pas seulement aux marches et qu’il prend aujourd’hui des formes diverses telles les grèves dans la Fonction publique, Mme Hanoune a posé une question : « Jusqu’où ira cette répression ? ».

Elle cite l’article 87-bis du Code pénal sur la base duquel sont poursuivis plusieurs activistes. « Même l’ONU s’est ingérée dans nos affaires pour dire qu’on en faisait un peu trop et qu’il nous fallait revoir cette loi », a fait observer Mme Hanoune.

La SG du PT a laissé entendre que son parti veut des garanties pour participer au dialogue initié par le président Tebboune, à commencer par la libération des détenus, la levée des restrictions sur les médias et l’arrêt de l’ingérence de l’administration dans les affaires internes aux partis, syndicats et associations. « A l’heure actuelle, les choses sont floues. Je ne peux pas aujourd’hui donner une position du parti », a répondu Mme Hanoune.

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