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Palestine – Israël : la guerre importée en France, jusqu’au sein de l’Élysée

Palestine – Israël : la guerre importée en France, jusqu’au sein de l’Élysée

En France, il n’y a pas que la classe politique qui se déchire à cause de la guerre entre Israël et la Palestine. La division a atteint le sommet de l’État et le cœur du pouvoir, d’où peut-être les positions loin d’être tranchées exprimées publiquement par le président Emmanuel Macron, selon des médias français.

La position de la France depuis l’opération déclenchée par le Hamas le 7 octobre est un mélange de soutien inconditionnel à Israël et son « droit à se défendre », de souci pour la préservation des vies civiles et le respect du droit international et une tentation de ne pas rompre définitivement avec la « politique arabe de la France » chère aux derniers gaullistes.

Dans tout cela, le président Macron semble quelque peu perdu. En tous cas, il est incompris dans le monde arabe où la France a déçu par son alignement sur la politique américaine dans la région alors que sa voix était entendue.

Dans une région où elle a beaucoup d’intérêts économiques et géostratégiques, la France prend davantage de risques de s’aliéner les opinions publiques locales en apportant son soutien au gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahou dans sa guerre totale contre les Palestiniens.

Le « en même temps » de Macron qui a plus ou moins fait ses preuves en interne, a moins bien fonctionné cette fois.

Guerre contre Gaza : Macron, l’incompris

Mais Emmanuel Macron fait de la résistance. Le 24 octobre, il s’est rendu en Israël pour réitérer de vive voix le soutien de la France à ce pays, mais il a tenu à faire un détour par Ramallah où il a plaidé pour la relance du processus de paix.

Le 9 novembre, il est devenu le premier dirigeant d’un grand pays occidental à appeler ouvertement à un cessez-le-feu à Gaza.

Dimanche 19 novembre, il a réitéré par téléphone au premier ministre israélien Benyamin Netanyahou sa préoccupation du trop grand nombre de victimes civiles que fait son armée à Gaza et son inquiétude devant la montée de la violence des colons contre les civils palestiniens en Cisjordanie.

Le même jour, il a appelé le président de l’Autorité de Mahmoud Abbas devant lequel il a fermement condamné les « violences contre les civils palestiniens ».

Entre toutes ces étapes, le président français a fait l’objet de critiques dans les deux camps. Son portrait a été brûlé par la foule à Ramallah le jour même de sa visite et son appel à un cessez-le-feu lui a valu des attaques en Israël et parmi les lobbies pro-israéliens de France.

Emmanuel Macron a été aussi interpellé plusieurs fois sur les retombées de sa politique sur l’image de la France dans le monde arabe et musulman. L’ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, ou encore l’ancien ambassadeur en Israël, Gérard Araud, ont multiplié les sorties pour appeler à plus d’équilibre dans la position de la France.

Ancien ambassadeur de France en Israël et aux États-Unis, Gérard Araud a même évoqué devant le Parlement une « épuration ethnique » qui est en train d’être opérée en Cisjordanie.

Il y a une semaine, le Figaro a révélé la teneur d’une note adressée à l’Élysée par une dizaine d’ambassadeurs en poste au Moyen-Orient et Maghreb, dans laquelle ils se sont élevés contre la politique actuelle de la France qui lui vaut jusque d’être accusée de « complicité de génocide ».

Israël devient de plus en plus indéfendable

La fronde a fini par atteindre « le cœur du pouvoir » à Paris, c’est-à-dire l’Élysée et l’entourage du président Macron, à en croire une enquête du journal Le Monde.

Un proche conseiller d’Emmanuel Macron a décrit au journal « une ambiance délétère à tous les niveaux », soit des luttes intestines entre les plus proches collaborateurs du président de la République, exacerbées par le conflit au Moyen-Orient et ce qui est qualifié de « zigzags diplomatiques » du chef de l’État.

Un comble pour un homme qui a tenu à ce que le conflit ne soit pas importé en France et qui le voit désormais au seuil de son bureau.

Outre les voix internes qui plaident pour plus d’équilibre dans la position de la France, celle-ci est peut-être aussi influencée par l’évolution du conflit qui, sur le plan de l’image, tourne au fiasco pour Israël, son gouvernement d’extrême-droite et ses soutiens occidentaux. Après 45 jours de bombardements intensifs, l’armée israélienne a tué plus de 13.000 Palestiniens dont plus de 5.000 enfants.

Elle a rasé une bonne partie de Gaza, en bombardant les bâtiments, les écoles, les civils, les routes. Même le bureau de l’AFP et le Centre culturel français dans l’enclave palestinienne n’ont pas échappé aux frappes israéliennes. « La destruction de Gaza doit cesser », a écrit le journal Le Monde dans un éditorial publié lundi 20 avril. « Alors que les preuves de l’éradication des responsables du Hamas tardent à se manifester, les civils se retrouvent privés de tout, condamnés à l’errance », assène Le Monde, signe qu’Israël est allé trop loin dans cette guerre.

Le retournement des opinions publiques occidentales est spectaculaire. Le journaliste français Anthony Bellanger parle d’un « changement de paradigme total » et de la perte par Israël de la « guerre médiatique et de la victimisation ».

« Les jeunesses du monde, jeunesses occidentales comprises, sont en train de changer de regard sur Israël et sur ce conflit », estime-t-il, assurant n’avoir jamais vu en 30 ans d’expérience ce qui est en train de se passer dans les campus américains.

Ce qui bouleverse les Israéliens, c’est le laps de temps « infiniment court » entre les attaques du 7 octobre et le retournement des opinions publiques.

La cause d’Israël est devenue indéfendable, à cause des crimes commis à Gaza et en Cisjordanie mais aussi pour la politique de son gouvernement d’extrême-droite antérieure au 7 octobre et dont l’objectif était de tuer la solution à deux États.

Le soutien de Netanyahou au Hamas pour affaiblir l’Autorité palestinienne est remonté à la surface dès le premier jour de l’attaque. L’accusation vient d’être réitéré par une voix qu’on ne peut pas soupçonner de légèreté, l’ancien chef du renseignement saoudien.

Le prince Torki Ben Fayçal, qui a été aussi l’ambassadeur du royaume aux États-Unis, a révélé en détails au cours d’un forum à Bahreïn comment l’argent du Qatar destiné au mouvement Hamas transitait par les banques israéliennes au vu et au su de tous.

« Netanyahou, rendu aveugle à la réalité par son arrogance, est responsable de ce qui se passe à Gaza », a asséné celui qui a dirigé les renseignements saoudiens pendant 24 ans (1977-2001).

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