Économie

Pourquoi il faut « supprimer » le contrôle des changes en Algérie

L’ancien directeur des changes à la Banque d’Algérie, Mohand Brahiti, a animé ce samedi 11 juin à Alger  une conférence ayant pour thématique “Comment alléger les contraintes du contrôle des changes sur les entreprises algériennes à l’importation comme à l’exportation“.

Au cours de cette conférence, de nombreux points ont été abordés, notamment la réglementation des changes en vigueur en Algérie, le comportement et la stratégie des contrôleurs de changes et les actions d’apaisement des contraintes actuelles du contrôle des changes.

Devant un auditoire composé d’experts en douane,  de responsables et hauts cadres supérieurs de l’État, M. Brahiti qui a passé 20 ans à la Banque d’Algérie, a appelé à l’application des lois et de la réglementation en vigueur “avec toute la rigueur nécessaire“, et notamment “convaincre les acteurs du contrôle des changes du respect de celle-ci“.

M. Brahiti, qui a dirigé la direction du contrôle des changes de la Banque d’Algérie, a tenu à souligner en début de présentation : “Il ne s’agit pas de chercher à avoir raison ou à donner tort à autrui, mais seulement de retirer des résultats positifs pour une nette amélioration de la situation morose qui prévaut en notre pays, pour tous (…) À aucun moment je n’ai besoin de critiquer ou de flatter qui que ce soit car, tout un chacun est toujours animé d’intentions positives, même si ses intentions positives ne paraissent que comme bénéfices secondaires“.

Le contrôle des changes aide à maintenir en léthargie la population

“L’économie en général, y compris le contrôle des changes, est quelque chose de simple.  Je dis bien simple et non facile. Il suffit de disposer d’un modèle à suivre ou à adapter, pour réussir“, a tout d’abord déclaré M. Brahiti.

L’ancien directeur des changes de la Banque d’Algérie a ensuite indiqué que l’existence d’un contrôle des changes dans un pays  est « liée à la non convertibilité » de la monnaie nationale. Il justifie son existence en Algérie par “une crainte infondée, sauf en temps de guerre ou de fuites de capitaux vers l’extérieur“.

Si le contrôle des changes avait quelque chose de bon pour une économie en paix, pourquoi les pays américains, européens, asiatiques, les pays de l’ex-Europe de l’est et la Chine ne l’ont pas adopté ou l’ont abandonnée ?“, a-t-il questionné.  Avant de souligner :”Le contrôle des changes dans sa version contraignante ne subsiste plus que dans quatre pays : l’ Algérie, la Corée du Nord, l’Angola et Cuba“.

En tant de paix, suivant d’éminents économistes, ce n’est pas moi qui le dit, le contrôle des changes aide principalement à maintenir en léthargie la population du pays et permet de garder plus longtemps à une classe, à un groupe ou à une faction de la population, le pouvoir sur tout le pays. Le résultat final serait le maintien dans le sous-développement du pays“.

Pourquoi y a-t-il un contrôle des changes en Algérie ?

Pour M. Brahiti, l’existence d’un contrôle de changes en Algérie est due “à la survivance de certaines croyances limitantes, qui nous viendraient de loin“.

Des croyances, aussi limitantes que destructrices subsistent. La combinaison de ces croyances limitantes ont engendré le modèle, le paradigme suivi par beaucoup de nos responsables depuis longtemps“, a déclaré à ce sujet l’ancien directeur des changes de la Banque d’Algérie.

Avant de souligner : “Le mode de détermination de la valeur du dinar est l’une des croyances limitantes et  graves  existantes en Algérie“.

La valeur du dinars algérien pour qu’elle puisse s’apprécier ou déprécier sur le marché, il faudrait que ce marché existe, c’est-à-dire à un lieu où se rencontrent plusieurs offreurs et demandeurs et qui négocient librement l’échange de leurs avoirs en dinars ou en devises. En Algérie, personne ne peut acheter librement des devises, vu que les achats auprès de la Banque d’Algérie sont conditionnés. Les opérations du marché parallèle sont interdites, bien que négociées à des prix 30 à 50 % plus élevés. Dans un tel contexte, personne n’accepte de vendre ses devises à un prix plus bas. Alors ces monnaies étrangères sont devenues des monnaies de refuge. Il n’existe par conséquent pas de marché des changes en Algérie“, a estimé M. Brahiti.

Autres « croyances limitantes » et « néfastes » au développement économique citées par l’ancien directeur des changes de la Banque d’Algérie :  la non acceptation de la franchise commerciale ou de production, le modèle suivi pour la détermination du taux de change en Algérie, et l’interdiction pour les étranger d’acheter des biens immobiliers en Algérie, “alors que des Algériens fortunés achètent des châteaux en Espagne, en France, en Angleterre, aux États-Unis et même au Vanuatu“.

La construction de l’Algérie de demain passe inéluctablement par la mise en marche des moteurs et par la suppression des obstacles de toutes sortes, dont le contrôle des changes, qui n’est qu’un des principaux freins. Démocratie, alternance au pouvoir, méritocratie, état de droit, justice sociale, bonheur et bien être des Algériens sont les termes que l’on souhaite à notre pays“, a conclu M. Brahiti.

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