Politique

Procès d’Ali Ghediri : l’incroyable histoire de Hocine Gasmi

L’affaire du général à la retraite Ali Ghediri, qui a été condamné dans la nuit de mercredi à jeudi à 4 ans de prison ferme, a révélé l’incroyable histoire de Hocine Gasmi, symbole de la déliquescence des mœurs politiques en Algérie.

Après 27 mois de détention préventive, Ali Ghediri a été fixé sur son sort dans la nuit de mercredi à jeudi. Le tribunal de Dar El Beida (Alger), où a eu son procès hier mercredi 22 septembre, l’a condamné à 4 ans de prison ferme. Le représentant du parquet a requis 7 ans de prison ferme à son encontre.

Le général-major à la retraite, ancien directeur des personnels du ministère de la Défense nationale, a passé 27 mois en détention préventive sans jugement.

Il a été arrêté en juin 2019 pour une double accusation : entreprise de démoralisation de l’armée et livraisons de renseignements économiques à des agents étrangers.

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Avant de connaître ces déboires judiciaires, il s’était engagé dans la politique. Retraité depuis 2016, à sa demande, rappelait-il à chaque fois, il a fait parler de lui fin 2018 en interpellant à plusieurs reprises le chef d’état-major de l’ANP à l’époque, le défunt général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah avec lequel, dit-on, il avait des divergences qui remontent aux années où il était encore en service.

Début 2019, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle prévue en avril. Alors que de nombreux potentiels présidentiables attendaient de connaitre la décision du président en place Abdelaziz Bouteflika, Ghediri a annoncé qu’il se lancera dans la compétition avec ou sans Bouteflika sur la ligne de départ.

Son crédo était de « démanteler le système politique en place ». « Ce système, ou c’est moi ou c’est lui », répétait-il. L’élection d’avril sera annulée et Ghediri ne lâche pas prise. Il est l’un des rares à annoncer sa candidature pour celle du 4 juillet, également avortée.

Pendant tout ce temps, ses rapports avec le pouvoir en place sont tendus. En février, il est empêché d’assister à l’enterrement de l’ancien ministre délégué à la Défense nationale, Abdelmalek Guenaïzia.

Le 13 juin 2019, il est arrêté à Alger et incarcéré. Il est accusé d’atteinte au moral de l’armée pour ses articles publiés précédemment dans la presse, notamment dans El Watan, mais aussi de livraison de renseignements à des puissances étrangères. Cette deuxième accusation suscite l’incompréhension.

Comment un officier d’un tel rang, doublé d’un intellectuel (il est titulaire d’un doctorat en sciences politiques), ayant occupé un poste hautement sensible au sein de l’armée pendant de longues années, peut-il se rendre coupable d’un tel acte ? Pendant l’instruction, l’accusation de trahison est invalidée après appel au niveau de la Cour d’Alger.

Victime d’un usurpateur

Au cours de son procès qui a eu lieu ce mercredi 22 septembre, on a pu mieux comprendre ce qui s’est passé. Ghediri a en fait été piégé par un de ces « hommes politiques » venus de nulle part et qui ont pullulé pendant le règne de Bouteflika.

Un certain Hocine Gasmi, un homme devenu par miracle chef de parti politique, le Forum de l’Algérie de demain (FAD). Contrairement à Ali Ghediri, l’accusation de trahison a été maintenue contre Gasmi, jugé dans le même procès. Le procureur a requis 20 ans de réclusion à son encontre. Il a été condamné à dix ans de prison.

Cet homme n’a pas fréquenté l’école mais il a pu fréquenter de hauts responsables de l’État, induits eux aussi en erreur et le recevait en tant que vis-à-vis politique respectable. C’est à ce titre qu’il s’est présenté à Ali Ghediri fin 2018 pour lui proposer de soutenir sa candidature.

Les deux hommes se rencontrent pour la première fois dans un café, puis au siège du parti à Bab Ezzouar dans la banlieue est d’Alger. Ils ont convenu que Gasmi l’aide dans l’opération de collecte des parrainages pour sa candidature.

Ce que ne savait le général, novice dans la politique, c’est que son vis-à-vis usurpait l’identité d’une autre personne. Il a géré le parti sous le nom de Hocine Gouasmi.

Il ne savait pas non plus que celui-ci fréquentait assidûment des ambassades étrangères et aurait même eu, selon l’arrêt de renvoi, des contacts avec une diplomate israélienne qu’il rencontrait lors de ses fréquents voyages en France.

Dans ses réponses au juge, Ali Ghediri a expliqué qu’il ne pouvait pas douter de quoi que ce soit puisque, dans le bureau de Gasmi, étaient accrochées des photos de ce dernier avec de hauts responsables de l’État, à la retraite ou en exercice.

Le bonhomme a trompé tout son monde, mais c’est Ghediri qui en a payé le prix fort en se retrouvant impliqué dans une affaire de trahison, lui qui a passé plus de 40 ans de sa vie sous les drapeaux. Cette épisode renseigne on ne peut mieux sur la déliquescence des mœurs politiques dans l’Algérie de ces deux dernières décennies du règne de Bouteflika.

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