Économie

Production d’engrais azotés en Algérie : un atout pour les céréales

Grâce au gaz naturel, l’industrie des engrais azotés est florissante en Algérie. Un atout pour l’agriculture locale alors qu’en Europe les prix flambent. L’usage des engrais azotés nécessite cependant un savoir-faire.

Cette disponibilité de l’urée permet son large utilisation dans la production de fruits, tomates ou pomme de terre. Une utilisation également indispensable pour arriver à l’objectif de l’Algérie d’atteindre un rendement moyen de 30 quintaux de blé à l’hectare.

D’autant plus que les dernières pluies ont sauvé les parcelles en retard et donné un coup de fouet à celles plus avancées. Aussi, sur le terrain les services agricoles invitent les agriculteurs à réaliser les premiers apports d’engrais azotés.

Engrais azotés : sensibilisation à Annaba

A El Hadjar (Annaba), la Coopérative des céréales et de légumes Secs (CCLS) a lancé une campagne de vulgarisation de l’utilisation des engrais azotés dans l’agriculture.

Avec les techniciens de la Chambre d’agriculture et de la société Nutegra, une caravane s’est déplacée dans plusieurs communes de la wilaya.

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Abdelkrim Belhouat, le responsable de la CCLS a confié à la Chaîne El Filaha TV News : «Après les récentes pluies, il faut rappeler aux agriculteurs l’importance de l’apport d’engrais azotés.»

Leila Benbiha, du pôle vulgarisation de la CCLS a insisté sur «l’utilisation raisonnée des engrais azotés. Elle passe par leur utilisation au bon moment et à la bonne dose.»

Quant à Rabah Beldi, un agriculteur chevronné d’Aïn Berda, il avertit : «L’année s’annonce prometteuse. Il faut impérativement procéder au désherbage, à l’apport d’azote et éventuellement à celui de fongicides.»

Céréales, analyses de sol à Constantine

Même mobilisation à Constantine où, avec ses partenaires, la Chambre d’agriculture locale a organisé une journée de vulgarisation sur l’utilisation des engrais azotés.

Pour l’occasion un testeur permettant une analyse rapide de l’azote du sol a été utilisé. Le lecteur Nitrachek fonctionne sur le même principe que celui permettant la mesure du taux de sucre à partir d’une simple goutte de sang chez les diabétiques.

A partir d’un échantillon de sol prélevé à l’aide d’une tarière, Saïdi Chabanne de la société Srid a effectué une analyse d’une parcelle de blé et indiqué aux agriculteurs présents le complément d’azote à apporter.

Une technique déjà mise en œuvre par des agriculteurs de Sétif grâce aux travaux de la chercheuse Nadia Boulelouah de l’université de Batna. L’utilisation de ce testeur pâtit cependant du coût et du manque de réactifs en Algérie. Plusieurs laboratoires proposent cependant de réaliser ces analyses dans leurs locaux.

Céréales en Algérie : l’enjeu des analyses

Ces analyses s’avèrent capitales pour augmenter les rendements des champs de céréales. Ne pas utiliser assez d’azote réduit le nombre de grains par épi et pénalise la culture.

En épandre trop provoque un développement excessif du feuillage. A la fin du printemps, la plante est alors assoiffée au moindre retard des pluies. Résultat : des épis de grains à moitié remplis. Le risque est tel que dans les zones les plus sèches, des agriculteurs refusent d’utiliser les engrais azotés. «L’engrais, cela brûle le blé», a-t-on coutume d’entendre.

La dynamique de l’azote du sol est difficile à saisir. Tenir compte l’effet de la culture précédant celle du blé est indispensable comme le font les agriculteurs du périmètre irrigué de Bouchegouf (Guelma).

Plus d’azote après la culture de tomates

Co-auteur d’une étude dans cette région, Sami Assassi de l’École nationale supérieure agronomique (ENSA) d’Alger a enquêté sur les tarifs de location : «85 000 DA/ha pour du blé non irrigué ayant la tomate comme précédent cultural contre 60 000 DA/ha pour une campagne de blé semi-intensif avec irrigation d’appoint mais sans la tomate comme précédent cultural.»

Il conclut que ce différentiel de prix vient notamment de la présence de résidus de fertilisants dans la terre après culture de tomate.

De son côté, Nadia Boulelouah avertit qu’après jachère ou culture de pois-chiche, il reste deux fois plus d’azote dans le sol que derrière le blé. La dose d’azote à apporter sur blé peut donc varier d’une parcelle à l’autre.

Nappes phréatiques : attention à la pollution par les engrais

Ajuster les doses des engrais azotés aux besoins des cultures permet également d’éviter la pollution des nappes d’eau souterraine par les nitrates libérés.

Ces nitrates libérés par les engrais sont très solubles et sont facilement entraînés en profondeur par la pluie. Aussi, l’Institut Technique des Grandes Cultures (ITGC) insiste-t-il sur le nécessaire fractionnement des apports.

Comme dans certains pays européens, la norme admise en Algérie est de 50 mg de nitrates par litre d’eau. En 2021, dans la nappe de la Mitidja, l’Agence nationale de gestion intégrée des ressources en eau (AGIRE) a relevé des teneurs « largement » supérieures  à ce seuil, jusqu’à 120 mg/L.

Le même phénomène a été constaté en 2019 aux niveaux de certains puits à Ghardaïa. Ces nitrates peuvent avoir plusieurs origines : industries, eaux usées, fosses septiques non réglementaires. Mais les apports d’engrais azotés sont souvent pointés du doigt.

Engrais azotés : de multiples atouts

La production algérienne d’engrais azotés peut permettre de multiples usages. Au milieu des années 1970, des ingénieurs envoyés en spécialisation en France ont travaillé sur un thème alors en vogue : la complémentation en urée des rations animales.

Un moyen de réduire l’usage du soja alors que l’Europe était sous embargo américain. Il est vite apparu que les ovins et bovins s’accommodaient d’un ajout d’urée à l’orge de leur ration ou d’urée mélangée à de la mélasse issue des raffineries locales de sucre.

Ces mélanges constituent des aliments d’appoint. Rentrés en Algérie, ces spécialistes ont bien tenté de mettre en application leurs connaissances mais avec peu de succès.

Un autre engrais, le Di-Ammonium-Phosphate (DAP) est utilisé comme appât pour piéger les mouches de l’olive qui constituent un véritable fléau.

Ce même DAP s’avère être un retardant efficace en cas d’incendie lorsqu’il est mélangé à l’eau larguée par les avions bombardiers d’eau. Plutôt que 400°C, il faut alors 750°C pour que la végétation brûle.

Les engrais azotés permettent donc une diversité d’usages locaux que les actuels exportateurs doivent prendre en compte.

L’Algérie exporte  7 millions de tonnes d’engrais manufacturés et de produits semi-finis, dont 3 millions de tonnes d’urée, 2 millions de tonnes de phosphate traité et 2 millions de tonnes d’ammoniac, selon les chiffres officiels.

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