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Produits d’importation : flambée des prix et grand retour du « Trabendo »

Produits d’importation : flambée des prix et grand retour du “Trabendo”

Cela ne vous aura sans doute pas échappé. Les rayons des supérettes et autres boutiques de cosmétiques qui, jadis ployaient sous des centaines de produits d’importation, sont désormais clairsemés, pour ne pas dire vides. Chocolats, cafés, fromages, confitures, marmelades, potages, shampoings, déodorants : pshtt ! Disparus comme par magie. Adieu Nutella, Emmental, céréales, biscuits, confitures ‘made in’….

Dans le cadre du dispositif d’encadrement du commerce extérieur, les marques étrangères, si prisées par les Algériens, sont passées à la trappe. De nombreux produits ont disparus des étagères.  La suspension d’importation a donné un grand coup de balai aux étals des magasins, hypermarchés et autres supérettes.

Résultat : les produits autorisés à l’importation ont vu leurs prix effectuer un bon sans précédent. Et ce n’est pas tout. L’importation informelle dite ‘Trabendo’ a repris du poil de la bête. Les produits interdits sont rapportés dans ‘les cabas’ des voyageurs et vendus sous le comptoir. D’autres commerçants ont trouvé la parade. Ils attendent la fin de la tournée des agents des services de contrôle de la qualité et de la répression des fraudes pour exposer les fromages et autres produits interdits dans leurs présentoirs.

Vente sous le comptoir comme au temps de la prohibition US

Le gérant d’une grande supérette en plein cœur d’Alger accepte d’évoquer ce sujet avec nous, à condition de garder l’anonymat. «  Les contrôleurs ont débarqué récemment dans mon commerce.  En l’absence d’étiquetage portant le nom de l’importateur, ils ont saisi la marchandise, m’ont flanqué un procès et remis une convocation pour le tribunal. Cela m’est arrivé deux fois. J’ai payé 25 000 DA à chaque fois.  Alors, à présent, je suis ‘vacciné’. Les produits que j’achète par la filière du cabas, ne sont exposés à la vue de tous. On est obligé de cacher les produits pour les vendre. On se croirait dans les années 30, au temps de la prohibition de l’alcool, aux USA ! ».

Ce gérant planque d’autres produits comme certains cafés, fromages et chocolats pour les soustraire au regard des contrôleurs. « Certes l’État veut encourager la production nationale mais certains produits ne sont pas fabriqués localement comme ceux sans gluten et sans sucre destinés aux diabétiques et aux personnes souffrantes de la maladie cœliaque. Ces malades n’ont pas de produits de rechange et sont pénalisés par ces restrictions d’importation. Cela est juste absurde ! », déplore-t-il.

Jeu du chat et de la souris

Dans les supérettes, on assiste à un drôle de micmac. Certains produits dissimulés sous le comptoir pendant la journée réapparaissent comme par magie en fin d’après-midi. Dans le présentoir réfrigéré de cette grande superette trônent plusieurs fromages estampillés ‘Le Saint-Môret’ (marque française). « Je suis obligé d’attendre 17h pour les mettre dans le présentoir. Cela correspond à la fermeture des bureaux des contrôles et des fraudes. Je vends mes produits en cachette, comme si c’était des armes que j’écoulais’.

Augmentations vertigineuses

Qu’ils soient importés par les importateurs déclarés ou rapportés illégalement dans des cabas, tous les produits  connaissent une augmentation affolante. Exemple : le  chocolat Milka est passé de 100 da à 260 da, le café soluble Nescafé  s’affiche à 1200 da alors qu’il se vendait à 850 da, le  fromage roquefort se vend 1000 da contre 580 da précédemment et le pot de Nutella (900grs) a fait un bond  de 980 da à 2000 da.
Le lait pour bébé Nursey de la marque Bledina affiche 630 da la boîte. «  Ce rayon est celui de toutes les misères, nous confie le gérant de cette supérette. J’ai attrapé plusieurs fois des mères de famille volant du lait pour leur bébé. L’une d’entre elle m’a confié en pleurs que son mari touchait à peine le Smic et qu’il ne pouvait pas acheter du lait à ce prix ».

Flambée des produits cosmétiques made in

Dans une boutique de produits cosmétiques, rue Didouche Mourad, le vendeur confirme la tendance. « Beaucoup de produits d’importation prisés par mes clientes ont disparu. Elles ont du mal à se rabattre sur ceux fabriqués localement. Elles ne leur font pas confiance et doutent de leur efficacité. Aussi, je suis obligé de me fournir auprès des ‘voyagistes trabendistes’.  Ils appliquent leurs prix que je répercute à mon tour. Colorations, crèmes, parfums, cires épilatoires… Tout a sensiblement augmenté. Avec la flambée de l’Euro sur le marché parallèle, la courbe est  toujours à la hausse. »
Même son de cloche chez certains restaurateurs. Du jour au lendemain, ils ont été confrontés à la disparition d’ingrédients indispensables à la préparation de leurs recettes. Billel (31 ans), patron du restaurant ‘Comme chez vous’ à Draria se plaint de l’indisponibilité de certains produits et de leurs prix excessifs quand ils sont rapportés par les trabendistes. «  La sauce soja coûte 3500 da la boîte de 500ml et le curry revient à 1000 da les 200grs. Il y a même des revendeurs de cabas qui vous proposent des champignons frais de Paris à 39 000 da les 500 grs. C’est juste de la folie ! ».
Dans la téléphonie mobile, l’interdiction d’importation profite énormément aux trabendistes. « A El Harrach, El Eulma et Oran, où se trouvent les plus grands marchés de téléphones portables, on y trouve tous les modèles et toutes les marques de smartphones », affirme un connaisseur du marché. « Le cabas a remplacé les importateurs qui activaient légalement », ajoute-t-il.
Afin de booster la production nationale, 900 produits d’importation ont été bloqués par le ministère du Commerce. Sur cette liste figurent certains produits alimentaires qui ne sont pas fabriqués localement, à l’instar des produits sans gluten ou du lait pour bébé. Par ailleurs, le ‘Trabendo’ a repris du service, profitant de la complaisance et de la complicité de certains douaniers. Seul le citoyen lambda, au modeste pouvoir d’achat continue à trinquer en se demandant qui pourrait bien arrêter cette spirale infernale.

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