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Rencontre avec Akli Ourad, expert international algérien en routes

Rencontre avec Akli Ourad, expert international algérien en routes

Algérie, Afrique du Sud, Angleterre, Chili, Ecosse, Ethiopie, Ghana, Liban, Libye, Malaisie, Maroc, Tunisie, Turquie, Émirats arabes unis… Les routes du monde entier n’ont pas de secret pour Akli Ourad.

Cet ingénieur algérien en travaux publics a participé à des projets dans plus de 40 pays à travers l’Europe, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique Latine. Sa spécialité est l’élaboration, la mise en place et l’optimisation de programmes pour le secteur routier.

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Akli Ourad est né le 12 janvier 1962 à Ouadhias (Tizi-Ouzou). Son enfance, il la passera à Alger où il obtiendra en 1982 son baccalauréat. La même année, il intègre l’École nationale des travaux publics d’Alger (ENTP) d’où il sort en 1988 avec le diplôme d’ingénieur.

« Jeune, je voulais faire des études en économie. Mais au moment où ma génération est arrivée à l’université, les filières en sciences humaines, y compris les sciences économiques, ont été arabisées. C’est ce qui m’a poussé à aller vers des études techniques, précisément les travaux publics », fait-il savoir.

« La Grande-Bretagne, une porte sur le monde »

En 1993, il pose ses valises au Royaume-Unis et obtient une année plus tard un master en gestion des réseaux routiers à l’université de Birmingham.

« La formation en Algérie est  extrêmement théorique, tandis qu’en Angleterre, les études sont pragmatiques. La formation est orientée vers la pratique. C’est comment réaliser les choses, plutôt que comment elles fonctionnent », compare Akli Ourad.

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S’installer en Angleterre est  « l’une des décisions les plus importantes » de sa vie.  « Le monde anglo-saxon est une porte sur le monde entier. M’installer en Angleterre était synonyme d’indépendance pour moi », dit-il.

Le master en poche, le jeune diplômé envisage de rentrer au pays, mais la situation ne le permettait pas. « Je voulais rentrer, mais nous étions en 1994, l’Algérie était en pleine décennie noire. Durant cette période, j’ai perdu beaucoup d’amis, des artistes, des comédiens. Je me suis senti contraint de rester en Angleterre », se remémore-t-il.

Ses premiers pas dans le monde du travail il les fera au sein d’un grand bureau d’études anglais, « Sir Alexander Gibb Limited ». Il travaillera, entre autres, sur la mise au point d’un programme d’entretien d’une autoroute en Ecosse, et une autre au Chili.

En tant qu’ingénieur indépendant, il collaborera par la suite avec des dizaines d’organisations internationales, bureaux et agences routières à travers le monde. 

Un ingénieur globe-trotter

« On fait appel à moi pour des projets divers. Je suis souvent sollicité par des bailleurs de fonds. Ce sont les banques de développement internationales : la Banque mondiale, la Banque européenne, la Banque africaine de développement ou la Banque asiatique de développement, pour concevoir des programmes d’aide au développement dans le secteur routier. J’accompagne ces bailleurs de fonds dans la conception et la mise en place de programmes routiers dans les pays en voie de développement », dit-il.

« Je travaille avec des pays et des gouvernements qui sont bénéficiaires de prêts ou de programmes d’aide au développement. J’aide ces pays à mieux dépenser les budgets qui sont alloués à la préservation et à la gestion de leurs réseaux routiers », explique-t-il encore.

Akli Ourad, qui a été pendant cinq ans responsable de la gestion des actifs municipaux du gouvernement d’Abu Dhabi, travaille actuellement sur un projet d’amélioration du couloir entre Cotonou, au Benin, et Niamey, au Niger.

« Ce projet comprend l’aménagement de beaucoup de sections routières, et notamment la construction d’un pont sur le fleuve Niger. Le projet est dans la phase d’évaluation des besoins », précise-t-il.

L’occasion d’avoir son avis de spécialiste sur l’autoroute Est-Ouest, appelée en Algérie « le projet du siècle ».

« Que ce soit en termes de mode de passation, de normes utilisées ou de gestion, l’Algérie n’était pas prête pour lancer un projet d’une telle envergure », répond-il d’emblée.

Il est d’autant plus bien placé pour en parler qu’il a travaillé sur le projet à ses débuts.

« En 2005, on m’a sollicité en tant que consultant international. J’ai fait partie d’une équipe qui a travaillé avec l’Agence nationale des autoroutes pour préparer le dossier de consultation du projet de l’autoroute. Puis quand les Chinois ont remporté les lots centre et ouest (suite au processus de soumission), ils ont fait appel à moi comme directeur du bureau de contrôle interne de leurs études, à Oran », révèle-t-il.

Un avis tranché sur le réseau routier algérien

Pour Akli Ourad, le constat est sans appel : la gestion de ce projet a été catastrophique.

« Le budget initial de ce projet était de plus 11 milliards de dollars. Mais la gestion a été catastrophique. Il n’y a pas eu de gestion du tout. Dans aucun pays au monde, on ne livre un projet d’une telle ampleur sans concessionnaires professionnels qui prennent en charge toutes les fonctions de gestion et d’exploitation des autoroutes », déplore-t-il.

« Aujourd’hui, cette autoroute est gérée par des directeurs de wilaya qui n’ont ni les qualifications ni les compétences pour gérer ce genre de projet », regrette-t-il encore.

C’est aussi une erreur que le financement de l’autoroute Est-Ouest soit assuré par l’Etat algérien, estime Akli Ourad.

« Cette autoroute n’aurait pas dû être totalement financée par l’Algérie. Aucun pays au monde ne finance totalement ce genre de projets sur fonds propres. Les pays ont recours aux prêts bancaires qui sont généralement remboursables à très long terme et à des taux d’intérêt très faibles. L’Algérie n’aurait jamais dû mettre tout cet argent pour un seul projet alors que le pays a d’importants besoins en infrastructures dans d’autres domaines », juge-t-il. Il est donc pour lui impératif que l’Algérie change son mode de gestion.

« Le mode de gestion en Algérie est archaïque. Il faut une réforme profonde. Il faut impérativement modifier le mode de gestion de ces infrastructures. C’est codifié et normalisé dans le monde. Il faut prendre exemple sur ce qui se fait ailleurs », recommande le spécialiste.  

« Nous n’avons pas su préserver cet investissement. Des sections de l’autoroute sont dégradées. Il n’y a pas de dispositifs de sécurité routière, pas de marquage routier, les voies ne sont pas bien délimitées. Le nombre d’accidents a augmenté. C’est anormal », dénonce-t-il. Et c’est tout le réseau routier algérien qui traîne les mêmes tares.

« On blâme souvent le comportement des conducteurs pour justifier le nombre de morts sur nos routes. Mais il faut dire aussi que les routes en Algérie ne sont pas conformes aux normes internationales. L’état des routes rend les conducteurs indisciplinés. Que ce soit en termes de largeur des routes, de délimitation des voies,  de signalisation ou d’aires de repos, rien n’est fait correctement », relève-t-il.

« Si on faisait des audits de sécurité routière sur les routes du pays, on relèverait d’importants volumes d’erreurs commises. Le facteur ingénierie et infrastructure joue beaucoup dans les accidents en Algérie,  alors que dans les pays développés, il est quasiment réduit à zéro », déplore Akli Ourad. 

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