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Saïd Salhi (LADDH) : « L’heure n’est pas à la répression »

Saïd Salhi (LADDH) : « L’heure n’est pas à la répression »

Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (Laddh), aborde la tension qui règne dans la ville de Kherrata (Béjaïa), après les heurts qui ont émaillé la marche du samedi 28 août et les deux jours qui ont suivi. Il s’inquiète de la situation des droits de l’homme en Algérie et des arrestations d’activistes du Hirak.

La marche du Hirak qui était prévue dans la ville de Kherrata, samedi 28 a été empêchée par les forces de l’ordre. Durant trois jours, des heurts ont opposé les policiers à des manifestants. Des dizaines d’arrestations ont été opérées.

Depuis, comment la situation a-t-elle évolué ?

Le samedi, jour de la marche, un important dispositif de sécurité a été déployé dans la ville de Kherrata, dont les lieux de rendez-vous habituels du Hirak à l’instar de la Place de la liberté.

De prime abord, on se pose la question est-ce que ce n’était pas le retour des marches (du Hirak) le 28 août qui a déclenché tout cela ? N’était-ce pas le déclic ? La veille, déjà, le vendredi 27 août, une marche a eu lieu à Béni Ourtilane (w. Sétif).

Je n’ai pas d’avis à donner si c’est le moment ou pas de renouer avec les marches au vu de la situation sanitaire liée au Covid-19. Nous avons toujours appelé à prendre en considération cet élément.

À plusieurs reprises, le Hirak a assumé ses responsabilités à ce sujet. Quand à expliquer ce qui s’est passé à Kherrata, sincèrement on ne comprend pas. Le 28 août les gens sont sortis dans une marche pacifique, la 131e depuis le début du Hirak. Une marche responsable et pacifique pour revendiquer le changement. Le lendemain on a assisté à un déploiement d’un dispositif sécuritaire. À Béni Ourtilane aussi, le même dispositif policier a été déployé. Heureusement qu’il n’y a pas eu de dérapages.

Les personnes arrêtées à Kherrata ont été relâchées dans la soirée. Mais les heurts ont repris le lendemain. Comment l’expliquez-vous ?

 Dès le début de la marche on a enregistré des arrestations. Des appels au calme et à la sagesse ont ensuite été lancés. Des sages de la région se sont proposés en médiateurs auprès des services de sécurité et aussi pour appeler au calme.

Suite à cela, les personnes arrêtées ont été relâchées. Le calme est revenu. Malheureusement le lendemain de la marche (le 29 août), tout le monde a été surpris par le retour des émeutes.

C’est ce que nous ne nous expliquons toujours pas. Une vingtaine d’autres arrestations ont eu lieu. Depuis, les arrestations se poursuivent. Ce mercredi 8 septembre d’autres arrestations ont eu lieu parmi les activistes connus dans le Hirak à Kherrata.

(lundi 6 septembre), il y a eu la présentation de 27 activistes du Hirak au tribunal de Sidi M’hamed et qui dans leur majorité ont été placés sous mandat de dépôt. Dans son communiqué, la DGSN évoque l’arrestation de 25 personnes à Kherrata et 02 autres à Béni Ourtilane. Elle les accuse d’appartenance au Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), classé organisation terroriste.

Ce mercredi, le dispositif policier est encore présent à Kherrata. Des tournées et des descentes sont opérées dans les villages à la recherche de militants du Hirak. Certains ont dû quitter leur domicile pour échapper aux arrestations. Les familles ont peur pour leurs enfants. Aujourd’hui le militant Amrane Bachir a été arrêté chez lui. Il avait déjà été  arrêté et relâché.

Selon vous, comment la situation peut-elle évoluer dans les prochains jours ?

Nous sommes inquiets tout d’abord par cette pression qui est exercée sur Kherrata. On s’interroge sur toute cette charge sur cette ville qui reste quand même la capitale du Hirak.

En relisant et en revoyant tous les discours depuis le retour du Hirak en février 2021, et au vu des décisions qui ont été prises, il n’y a pas de doute que c’est le Hirak qui est visé. Le pouvoir veut prendre les devants et anticiper sur le retour des marches en occupant l’espace avant même le retour du Hirak.

En tant qu’organisation de défense des droits de l’homme, quel est votre appel  ?  

Notre appel s’adresse en premier lieu aux services de sécurité pour faire preuve de retenue, et aux autorités politiques et judiciaires pour faire preuve de clairvoyance. L’heure n’est pas à la répression, et à ce titre nous dénonçons cette feuille de route du « tout sécuritaire».

Nous appelons à l’ouverture d’un processus politique, démocratique et surtout au respect des droits humains. Et aussi nous réitérons notre appel pour la libération de tous les 200 détenus d’opinion qui sont en prison avant même les incidents de Kherrata.

Nous réclamons l’abrogation de l’article 87-bis du Code pénal (amendé) criminalisant tout action politique et qui sert de base à toute cette répression. Cet article même a déjà fait l’objet de vives critiques en 2018 sur la définition du terrorisme. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU avait demandé à l’Algérie de revoir cette définition.

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