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Covid-19 en Algérie : entretien avec le Pr Kamel Bouzid

Covid-19 en Algérie : entretien avec le Pr Kamel Bouzid

L’Algérie est frappée de plein fouet par la troisième vague de covid-19 cet été. Dans cet entretien, le Pr Kamel Bouzid, chef du service oncologie au CPMC d’Alger, revient sur la situation sanitaire en Algérie, la campagne de vaccination, le manque d’oxygène, et les leçons à tirer de cette 3e vague et comment se préparer à la 4e.

L’Algérie est frappée de plein fouet par la 3e vague de covid-19. Les hôpitaux sont saturés et des malades sont morts faute d’oxygène. Comment voyez-vous cette situation ?

Il est clair qu’il y a eu un troisième pic. D’après nos collègues spécialisés, nous sommes dans une phase de décrue maintenant, puisqu’on est arrivés à 1927 cas le 28 juillet et lundi on est descendus sous la barre des 1000 (989 cas). Le nombre de décès est aussi en baisse.

On peut espérer que c’est la décrue qui commence. Cela dit, le système sanitaire a montré toutes ses limites, notamment dans la gestion de l’oxygène et des moyens de protection.

Les autorités ont été surprises par la virulence du variant Delta, mais il n’y a pas que ça. Il y avait des dispositions à prendre en temps et en heure que nous n’avons pas prises.

Ne serait-ce que pour les vaccins ; les pays voisins ont acheté des vaccins à temps, mais nous avons attendu que le président de la République donne l’ordre pour commencer très lentement à se vacciner, à partir du 2 février 2021.

L’objectif, pour atteindre l’immunité collective, était de vacciner 20 millions d’Algériens. On est très loin du compte. L’un des chiffres qui est intéressant à donner en plus du pourcentage des personnes contaminées, guéries et décédées est le nombres de personnes qui ont reçu les deux doses du vaccin, chiffres que nous n’avons pas.

L’Algérie n’a pas tiré de leçons des dernières vagues du covid-19 qui l’ont frappée. Qu’en pensez-vous ?

Le mieux qu’on puisse faire c’est de prévoir et de tirer des leçons des pays asiatiques qui ont réussi à limiter la crise. Ainsi, on aurait pu prévoir cette situation et ne pas être surpris par la virulence du variant Delta et maintenant du Delta+.

On fait face à une situation très difficile dans les hôpitaux. Il y a eu une catastrophe à Annaba où il y a eu un nombre faramineux de décès par manque d’oxygène.

Il s’agit de situer les responsabilités. Il y a eu plusieurs défaillances. Le Pr Khiati signalait l’impéritie de l’Agence nationale de sécurité sanitaire qui ne sert à rien, alors qu’elle devait tirer la sonnette d’alarme en temps et en heure, ce qu’elle n’a pas fait.

Sans parler des ministères de la Santé et d’Industrie pharmaceutique car leur discours est incroyable. L’un dit que ce n’est pas l’oxygène qui manque mais le nombre de malades qui a augmenté et consomment beaucoup d’oxygène.

Or, les spécialistes disent que ce variant Delta est très oxygènovore. C’est un virus qui attaque de manière très importante les poumons : au lieu d’être à 10L/min, nous sommes arrivés à 30 voire 50 litres d’oxygène par minute.

Et tout cela, on le sait. Car nous avons bénéficié des leçons des autres pays qui sont passés par là.

Ces deux ministères que vous citez se renvoyaient la balle. Le ministre de l’Industrie pharmaceutique disait qu’il s’agissait d’un problème de transport et de stockage…

Nous ne savons pas très bien où nous en sommes. Dans les hôpitaux, la situation est catastrophique. Trois quarts de mon personnel est malade, on est donc obligés d’arrêter la prise en charge des malades atteints de cancers.

Cette situation se répercute négativement sur la prise en charge des autres pathologies chroniques et lourdes, comme le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’asthme, etc.

Quelle est l’urgence aujourd’hui ? L’Algérie doit-elle se préparer pour une éventuelle 4e vague ?

D’abord, il faut accélérer la vaccination. A titre d’exemple, la Tunisie a vacciné 500.000 personnes en 12 heures. Donc, il faut impérativement intensifier la vaccination et arriver à 20 millions de vaccinés avant la fin du mois d’août.

Il ne faut plus compter que sur les vaccinodromes comme nous le faisons aujourd’hui. Il faut le faire, comme l’ont proposé les pharmaciens, dans les officines pharmaceutiques.

Ensuite, le secteur privé doit être associé à cette panne d’oxygène. Il faut qu’il s’implique lourdement. On a besoin de toutes les unités sanitaires du pays, que ce soit pour l’oxygénothérapie ou pour la vaccination.

On pourra ainsi éviter une quatrième vague du covid-19, que les spécialistes situent en octobre-novembre. Ce virus est complètement nouveau pour nous, et nous devons bénéficier des leçons du passé afin d’améliorer le système de santé qui s’est écroulé.

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