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Gestion du covid-19 en Algérie : contradictions au sommet

Gestion du covid-19 en Algérie : contradictions au sommet

Y a-t-il oui ou non une crise de l’oxygène en Algérie ? Pour les deux ministres en charge du secteur de la santé, celui de la Santé et celui de l’Industrie pharmaceutique, il y a juste des dysfonctionnements induits par le caractère virulent et inattendu de la troisième vague de la pandémie de covid-19.

Pour les spécialistes et les praticiens sur le terrain, il y a plus qu’une crise, une situation de détresse qui cause quotidiennement des morts. Médecins et professeurs multiplient les appels à visage découvert sur les réseaux sociaux et les médias pour approvisionner tel ou tel hôpital en urgence.

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Les images de bousculades des parents de malades autour des camions d’oxygène, les actions de solidarités lancées un peu partout en Algérie et à l’étranger, les appels de détresse et le business parallèle qui s’est constitué autour de ce produit vital sont autant d’éléments qui confirment qu’on n’est pas devant un simple dysfonctionnement. La crise est difficilement contestable.

Les propos tenus par le président de la République, les chiffres dévoilés et les mesures décrétées  lors des réunions du Haut conseil de sécurité (HCS) mercredi et du Conseil des ministres hier dimanche 8 août tranchent également avec le discours officiel rassurant entendu jusque-là.

Abdelmadjid Tebboune, même s’il s’est voulu rassurant quant à la détermination de l’Etat à faire face à la situation et n’a pas clairement dit que l’heure est grave, a néanmoins sous-entendu que la pénurie est réelle et qu’elle constitue un problème.

Au niveau des chiffres, celui annoncé par le chef de l’Etat (360 000 litres d’oxygène produites quotidiennement) est très en deçà de celui ressassé depuis le début de la crise par le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Lotfi Benbahmed.

« Cette semaine nous sommes au maximum de notre production,  500 000 litres/jour, grâce un producteur qui a ajouté encore 50 000 de production, puisque avant on produisait 450 000 litres/jour», déclarait le ministre le 13 juillet dernier à la Radio algérienne.

Le 22 juillet, il mettait en cause sur le même canal un problème de logistique. « L’Algérie produit désormais près de 430.000 litres d’oxygène liquide par jour, contre 120.000 litres l’année passée.  430.000 litres d’oxygène liquide, cela équivaut à-peu-près à 400 millions de litres d’oxygène gazeux, ce qui nous permettrait de prendre en charge des dizaines de milliers de malades. Cependant, il ne s’agit pas simplement de produire cet oxygène, mais aussi de le transporter, avec un pays continent et de contenter tout le monde », avait-il expliqué.

Discours rassurant et thérapie de choc

Pour le ministre de la Santé, les décès enregistrés dans les hôpitaux sont simplement dus à la virulence de la pandémie. « Les décès enregistrés actuellement sont causés par l’agressivité du virus et non par le manque d’oxygène. Cette matière est disponible et aide certains cas, mais elle n’est pas la seule solution pour tous les patients», a assuré Abderrahmane Benbouzid le 2 août, soit au plus fort de la crise de l’oxygène.

Ce discours rassurant est aussi contredit par les mesures d’urgence décrétées par le président de la République lors du Conseil des ministres de dimanche 8 août : lancement immédiat d’un important processus de renouvellement des équipements d’oxygène et d’amélioration de la gestion, acquisition de concentrateurs et d’unités mobiles et, surtout, importation de l’oxygène par bateaux.

En arriver à une telle solution extrême est un signe supplémentaire que le problème dépasse le simple dysfonctionnement. Il s’agit aussi d’un désaveu au discours rassurant entendu jusque-là.

Un discours qui ne concerne pas que la pénurie d’oxygène ou les seuls ministres en charge du secteur, mais toute la crise sanitaire depuis son début et beaucoup d’officiels qui ont eu à s’exprimer sur la question.

Une attitude motivée par le double souci d’éviter de paniquer la population et de masquer les échecs, mais qui n’a pas été sans conséquences.

Pour beaucoup de spécialistes, si la population algérienne ne fait pas trop cas des mesures de prévention et hésite à se faire vacciner, c’est en partie à cause de « la situation maîtrisée et sous contrôle » décrite ces derniers mois dans les bilans quotidiens et le discours officiel. Une thérapie de choc était peut-être nécessaire…

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