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Covid-19 en Algérie : le business indécent et lucratif de l’oxygène

Covid-19 en Algérie : le business indécent et lucratif de l’oxygène

C’est connu, les crises profitent toujours aux opportunistes. A l’heure où l’Algérie affronte une flambée des plus meurtrières de la pandémie du covid-19, de nombreux spéculateurs en profitent pour s’en mettre plein les poches, en louant ou vendant bouteilles et concentrateurs d’oxygène à prix d’or.

Achetées autour de 30.000 dinars dans des centrales de production d’oxygène, ces bouteilles sont vendues jusqu’à 6 fois leurs prix. Un trafic qui prend de l’ampleur à mesure que la courbe des contaminations et des morts grimpe.

Appels de détresse sur les réseaux sociaux

Il fut un temps, où on disait pour rire « Viendra le jour où on devra  même payer pour l’oxygène  que nous respirons ! ». Voilà, nous y sommes ! Cette situation kafkaïenne nous a rattrapés.

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Sur les réseaux sociaux, les appels de détresse fusent de partout. « Besoin en urgence d’oxygène pour mon père atteint de Covid-19 ». «  SOS, parturiente  de 28 ans, a besoin d’oxygène à l’hôpital de Ain Taya ». «  Svp, svp, ma mère a besoin d’un respirateur, ses poumons saturent… Elle va mourir ».

Tapis derrière leurs écrans, sourires carnassiers aux lèvres, les charognards guettent « les bonnes affaires ». Ils ont également pris le soin, pour certains, de publier leur numéro de téléphone sur Internet.

Ils proposent des bouteilles d’oxygène de 5, 10, 15 lires… à des prix qui frisent l’indécence, comme nous le confie Nabil Mouhoub, membre de l’association comité Krim Belkacem, Telemly (Alger). « Un simple obus d’oxygène de 10 litres qui coûte 30.000 DA s’est vendu hier à 150.000 DA ! Les spéculateurs n’ont aucune pitié  ».

Généreux donateurs versus prédateurs sans foi ni loi

Le téléphone portable de Nabil Mouhoub ne cesse de sonner. « Regardez, j’ai reçu 780  appels de détresse de personnes qui cherchent de l’oxygène pour leurs proches. Grâce à des donateurs, nous essayons de nous en procurer pour tenter de sauver des vies.  Ces appels nous parviennent jours et nuits. Ce matin, je me suis rendu à l’usine de production d’oxygène  de Oued Moussa. On m’a renvoyé. Motif : plus d’oxygène disponible », explique-t-il.

Pour le président de cette association, « l’idéal c’est d’acquérir des concentrateurs d’oxygène pour ne pas avoir à trimbaler des bouteilles et chercher où les remplir. »

Mais le marché noir fait ravage. « Un concentrateur de 10 litres coûte 500.000 DA actuellement. Il faut absolument que les hôpitaux soient équipés de générateurs d’oxygène pour couper l’herbe sous les pieds de tous ces prédateurs sans foi ni loi. L’Etat doit réagir au plus vite ! ». Ces concentrateurs sont vendus en Chine à un peu plus de 1.100 dollars la pièce.

Sur le carnet de rendez-vous de Nabil Mouhoub, le nom d’une dame de 76 ans y figure. « Elle est cardiaque, « covidée » et vit seule. Je vais lui porter cette bouteille d’oxygène de 10 litres. C’est sa voisine qui nous a contactés. Je ne sais pas combien de temps cette bouteille  d’oxygène tiendra, mais au moins cette malade pourra souffler un peu », lâche-t-il.

 Les malades du covid -19 meurent faute d’oxygène. Samira (45 ans) apporte un témoignage accablant.

« Mon père, âgé de  71 ans, a contracté le covid-19. Il a eu un traitement à domicile, à cause du manque de lit à l’hôpital. Deux jours après, ses poumons ont commencé à saturer. J’ai trouvé une annonce sur Internet : location de concentrateur d’oxygène médical avec un technicien de santé à domicile. J’ai téléphoné et l’infirmier est arrivé.  L’oxygénation à domicile m’a coûté 13.000 DA pour à peine une heure de temps.  Je n’avais pas les moyens de payer plus. Ces prix que je juge exorbitants. Mon père est décédé dans la nuit.  Le peuple est livré à ces charognards. Ils se prétendent être musulmans mais profitent de la détresse des gens pour voler les pauvres citoyens ! ».

Concentrateurs d’oxygène bas de gamme vendus à prix d’or

En parcourant les annonces sur Internet, nous avons également trouvé le contact d’un réparateur de concentrateurs d’oxygène. Joint par téléphone, cet ingénieur en électronique nous a révélé qu’il ne sait plus où se donner de la tête.

« Mon téléphone ne cesse de sonner pour des réparations de concentrateurs d’oxygène. Le problème, c’est que les importateurs n’achètent que des appareils bas de gamme. Ceux qui coûtent le moins cher et qui clamsent après avoir fonctionné un jour ou deux, voire même quelques heures. En plus, ces commerçants véreux ne proposent ni pièce de rechange ni service après-vente. Les gens payent très chers ces concentrateurs : entre 160.000 DA et 300.000 DA; malheureusement, ces appareils tombent vite en panne. »

Quand ils tombent en panne, les réparateurs sont sollicités. « J’essaye de remplacer les pièces défectueuses par d’autres afin de remettre ces respirateurs en marche. C’est un business juteux pour les importateurs et les revendeurs. Ils vont devenir milliardaires en un temps record ! Une vraie escroquerie ! », dénonce cet ingénieur qui a préféré rester anonyme.

Le business des bouteilles d’oxygène et autres concentrateurs fait florès en Algérie. Pendant que de nombreux Algériens d’ici ou d’ailleurs se mobilisent en collectant de l’argent ou en finançant des unités de production d’oxygène afin de sauver des vies, d’autres se font établir de fausses ordonnances et des pseudo-autorisations.

Ces loups se pointent dans les centres de production d’oxygène médical, la larme à l’œil. Ils évoquent l’agonie d’un parent et prennent d’assaut le camion de ravitaillement.

Une heure plus tard, les bouteilles achetées 30.000 DA sont revendues six fois leur prix par ces êtres sans scrupule. A quand de vraies sanctions envers ces spéculateurs ?

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