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École : quand la note devient une obsession…

École : quand la note devient une obsession…

L’emprise des évaluations et des notes sur les élèves n’est plus à démontrer, mais il faut savoir que nos enfants « ne font que se soumettre à la logique d’un système scolaire basé sur la compétition et pour qui la note devient une carte d’identité de l’élève », explique Ahmed Tessa pédagogue.

L’élève ne perçoit ainsi « l’utilité de sa présence à l’école que sous l’angle des notes à obtenir coûte que coûte », ajoute M.Tessa. À ses yeux et pour ses parents, voire de ses enseignants et le système, cette compétition doit se gagner ou se perdre.

« Il n’a pas d’autres alternatives. C’est quasiment une question de vie ou de mort symbolique, d’où le recours à la triche. Dans cette logique scolaire opposée aux lois de la nature enfantine et à celles de la psychologie, l’instruction, l’éducation passent à côté des priorités, à savoir l’épanouissement de l’élève, son équilibre, ses dons et potentialités pas seulement celle de la mémorisation à outrance », prévient notre spécialiste.

Cette dernière ajoute que « la docimologie ( science qui étudie les notations et les examens) nous apprend que la note est souvent arbitraire pour ne pas dire injuste. Des études scientifiques l’ont clairement démontré il y a de cela des décennies ».

La note stigmatise l’enfant en le classant du côté des bons ou des mauvais élèves, créant une hiérarchie en classe et à la maison. Le poids de ce chiffre est important et pourrait même devenir préjudiciable pour l’avenir de l’enfant qui voit ses capacités d’apprentissage réduites et l’estime de ses parents étroitement liée à ses performances scolaires.

Sur ce point, la responsabilité du système scolaire est bien établie, affirme M. Tessa.  « C’est le système scolaire anxiogène qui a créé cette compétition et cette pression. Inévitablement des parents non informés ou non formés vont angoisser davantage que leurs enfants. Ils vont à leur tour mettre la pression sur les frêles épaules de leurs enfants. Imaginez ce qui se passe dans la tête de l’enfant pas seulement des candidats aux examens scolaires. Ce trou noir, nos enfants le vivent dès leur entrée en 1°Année Primaire », argue-t-il.

Et pour preuve, il revient dans ce cadre sur « ce méga phénomène des cours clandestins qui vont bientôt toucher les préscolaires, le primaire étant déjà gangrené après le lycée et le collège. Une gangrène qui fait des milliards de centimes chaque année au vu et au su des autorités chargées de lutter contre la fraude fiscale et la corruption. Ces cours clandestins sont assimilables à de la corruption passive de nos enfants. À ces derniers on enseigne qu’avec l’argent, ils peuvent acheter des notes mais aussi des consciences ».

Chez les parents, seules les notes comptent

Devant l’importance souvent démesurée accordée aux notes, certains enfants n’hésitent pas à cacher leurs mauvais résultats scolaires, laissant croire à leurs parents qu’ils ont eu de bonnes notes.

L’évaluation ne conforte plus alors l’élève dans ce qu’il a acquis, mais le fragilise et le déstabilise devant des parents trop attachés aux notes de l’école. « La relation parentale est en fonction du rendement scolaire et des notes obtenues », précise à ce sujet Sabrina Guehar, maîtresse de conférences en psychologie clinique.

« C’est une relation scolaire dans la mesure où elle repose plus sur le travail à fournir à l’école. Elle se concentre essentiellement sur les préparatifs des exercices et le travail qui doit être accompli à l’école. C’est un gavage qui n’a pas un but bien précis », explique la psychologue, ajoutant qu’ « il est rare de voir les parents s’occuper de cette alimentation d’esprits point de vue culturel dont les enfants ont besoin. Ce qui est primordial pour eux c’est cette instruction qui est basée sur un programme bien déterminé bien définie ».

Pour Mme Guehar, les parents n’ont aucune notion « de l’éducation universelle basée sur l’art, la lecture, le théâtre…. autant d’éléments nécessaires au développement de l’imaginaire chez l’enfant. Et l’imaginaire est forcément lié à l’intelligence qui ne peut se développer qu’avec les programmes scolaires. Les enfants ont besoin d’écouter des contes, des histoires racontées de vive voix pour un meilleur impact affectif ».

Notre société fait aujourd’hui « soustraction à tout ce qui peut développer l’imaginaire et a laissé les programmes éducatifs conventionnels prendre le relais », d’où cet intérêt exagéré pour les notes, déplore notre spécialiste.

L’objectif principal des parents est avoir des enfants qui seront premiers de la classe, obtenir les meilleures notes et la meilleure moyenne. C’est ainsi que « la relation éducative est réduite à une relation scolaire basée sur des thématiques qui concernent exclusivement l’école. Or, tout ce qui se fait à l’intérieur de l’école doit rester à ce niveau. Une fois à la maison, les enfants du premier cycle notamment doivent développer l’imaginaire qui aura pour conséquence l’ouverture d’esprit des enfants, le développement de leur vision et de leur éducation cynique », recommande Mme Guehar.

Des conséquences visibles à l’université

Réduire la relation enfant-parents au travail scolaire brisera l’avenir de l’enfant et sa participation dans la société », souligne la psychologue qui revient sur son expérience à l’université et sur ce qu’elle a observé chez les étudiants.

« Cela est très visible à l’université. Les étudiants arrivent sans aucune capacité d’analyse, de dissertation, de critique ou d’autocritique. Ils ont été conditionnés à être récepteurs d’une matière qu’ils doivent rapporter dans un écrit ou lors d’une évaluation. Mais sans plus. Car en dehors de cette relation de réception et de remise il n’y a pas un travail qui est fait à l’échelle personnelle », soutient-elle avant de rappeler la thématique choisie par l’observatoire des droits de l’enfant pour la célébration de la journée mondial de l’enfant.

« Projet de l’enfant projet de vie », un thème qui a dans ce cadre toute son importance.

L’observatoire veut à travers ce sujet attirer l’attention des parents sur la nécessité « de donner à l’enfant la liberté de parole et être à l’écoute de ses aspirations, ses motivations qui sont à même de développer son projet personnel.

Pour qu’il puisse être épanoui dans son projet de vie, l’enfant a besoin de liberté d’expression et de liberté d’opinion loin de l’école et de la contrainte des notes », insiste Mme Guehar.

Pour elle, « un enfant qui vous dit je n’aime pas les maths vous invite à chercher l’histoire cacher dernier ce refus ».  Il s’agit d’étudier les causes qui font que l’enfant fuit cette matière. Cela peut être un problème de compréhension liée à la mauvaise transmission de la discipline ou une mauvaise note qui l’a marqué à jamais.

Une mauvaise moyenne peut créer une angoisse qui surgit à chaque fois que l’enfant est appelé à passer un examen dans cette matière. Ainsi, au lieu de l’offenser pour les mauvaises notes qu’il a eues dans une matière qui ne fait peut-être pas parti de ses aspirations, il faut l’orienter vers les matières qui le passionnent ».

Notre psychologue appelle par ailleurs les parents à ne pas se focaliser sur les notes et rester dans la remarque constructive. Il faut savoir que « plus nous accompagnions nos enfants dans leurs propres projets, plus nous leur garantissant une vie future épanouie » .

« Il ne faut jamais oublier que la réussite scolaire ne fait pas la réussite sociale. Ceux qui obtiennent les meilleures notes et les meilleures moyennes ne sont pas les plus heureux », affirme-t-elle, mettant en garde les parents contre le fait de corréler « l’épanouissement et l’équilibre psychologique de leur enfant à la réussite scolaire d’autant plus que la réussite sociale ne se mesure pas aux notes obtenues lors du cursus scolaire », conclut-elle.

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