Société

ENTRETIEN. Pénurie de médicaments : le cri d’alarme du Pr Bouzid 

Le président de la Société algérienne d’oncologie médicale (SAOM), l’éminent professeur Kamel Bouzid, dresse, à nouveau, un constat accablant de la prise en charge des cancéreux en Algérie.

Quelle est la situation de la prise en charge des malades algériens atteints de cancer dans cette conjoncture de pandémie du covid ?

Depuis cette pandémie du covid, il y a une dégradation, du point de vue chirurgie, puisque beaucoup de services de chirurgie ont été transformés en services covid.

Un patient attend une opération pour une tumeur, et à cause du covid il n’y a pas de chirurgie. Le paradoxe est que dans le privé c’est possible mais dans le secteur public ça ne l’est pas sous prétexte du covid.

La manière de gérer le covid prête beaucoup à discussion. Pour la chirurgie,, qui est le traitement majeur pour les cancers, il y a un énorme problème de programmation dans le secteur public.

Pour la radiothérapie, c’est comme d’habitude : pas de rendez-vous et des appareils en panne. Curieusement, les appareils sont en panne dans le public, mais ils ne le sont pas dans le privé.

Pourquoi toutes ces carences d’après vous ?

La question se pose. Jusqu’à maintenant, je n’ai pas compris.  Pour ce qui est de la chimiothérapie, il y a d’énormes problèmes de disponibilité de médicaments. Que ce soit les médicaments « historiques » ou les médicaments innovants.

Il y a actuellement des ruptures itératives en médicaments qui font que les patients ont des pertes de chances très claires (de guérir) notamment chez les enfants cancéreux.

Or, il existe des médicaments qui peuvent guérir les enfants cancéreux, mais ils ne sont pas disponibles. Pour quelle raison, on ne sait pas. On avait un seul interlocuteur, maintenant on en a quatre : le ministère de la Santé, qui était notre interlocuteur, le ministère de l’Industrie pharmaceutique, le secrétariat d’État chargé de la réforme hospitalière et enfin l’Agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS).

Quand j’appelle le ministère de la Santé on me dit que ce n’est pas notre problème, mais c’est le ministère de l’Industrie pharmaceutique. Ce dernier est d’une nullité absolue !

Depuis que le ministère de l’Industrie pharmaceutique existe (septembre 2020), les ruptures surviennent les unes après les autres. Moi, je suis dans mon bureau et les malades sont à ma porte et pas à celles de ces ministères !

Les médicaments, il n’y en a pas, on est en rupture de tout, qu’il s’agisse des médicaments classiques ou des médicaments innovants qu’on n’a pas vu depuis cinq ans.

La situation s’est nettement aggravé depuis 18 mois. Je parle d’Alger, je ne parle même pas des autres villes du pays, grandes ou petites. C’est le désastre total.

Quelle est l’urgence aujourd’hui ? Que proposez-vous ?

L’urgence, c’est, d’une part, de rationaliser la gestion de la pandémie du covid, qui est effectivement un gros problème – nous avons perdu beaucoup de collègues -, et surtout de rationaliser les médicaments. On ne peut pas travailler sans médicaments. Depuis 45 ans que je m’occupe de cette maladie, jamais on a connu pareille situation.

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