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Flambée du covid, vaccination : entretien avec le Dr Lyes Merabet

Flambée du covid, vaccination : entretien avec le Dr Lyes Merabet

Le président du Syndicat des praticiens de santé publique (SNPSP), le Dr Lyes Merabet, brosse un tableau noir de la situation épidémiologique en Algérie. Il déplore le retard dans la vaccination anti-covid.

Quelle lecture faîtes-vous de la situation épidémiologique liée au covid-19 en Algérie ?

C’est une situation assez inquiétante. On l’explique par le fait que la situation n’est pas stable, et par rapport aux chiffres des contaminations quotidiennes sans cesse en augmentation.

Je rappelle qu’on était aux environs de 300 cas en moyenne par jour durant la dernière semaine de juin. Nous venons de franchir le seuil de 400 cas. Je dirai que ces chiffres ne reflètent pas la réalité du terrain : les chiffres annoncés reprennent les cas confirmés par l’examen PCR, et nous savons depuis le début de l’épidémie que nous avons des difficultés à ce niveau-là ; autour des cas avérés il faudrait que les enquêtes épidémiologiques soient suivies par des tests PCR pour tous les cas autour du malade.

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Nous ne l’avons pas fait pour diverses considérations y compris le pouvoir d’achat (puisque) beaucoup de familles ne peuvent pas se permettre ce genre d’examen à cause de sa cherté soit 8 000 DA en moyenne…C’est pourquoi je répète que les chiffres annoncés restent en-deçà de la réalité.

Depuis seize mois que l’épidémie a commencé en Algérie, on continue à enregistrer des victimes parmi les professionnels de la santé par ailleurs au bord de l’épuisement…

Je joins ma voix à toutes celles qui compatissent à cette douleur et à cette hémorragie qu’on est en train de vivre ; nous avons perdu jusqu’à présent 185 médecins toutes catégories confondues, généralistes, spécialistes et professeurs chefs de service. Aussi bien du secteur public que privé.

Et nous enregistrons des victimes à chaque fois que la situation pandémique se dégrade. La situation actuelle évolue dans ce sens, les cas qui nécessitent une hospitalisation sont en hausse.

Une situation qui commence à poser problème dans les hôpitaux, du fait que les services covid n’arrivent plus à répondre aux besoins. D’ailleurs, au comité scientifique qui s’est réuni en urgence, on reconnaît qu’il y a une tension et une pression sur les structures de santé : que ce soit dans les services de consultation, dans les urgences mais aussi en termes de manques de lits d’hospitalisation et de réanimation…

Alors, pourquoi attendre à ce qu’il y ait une augmentation pour se réunir en urgence afin d’augmenter des lits ?  

Nous avons déjà vécu cette situation lors de la 2e vague durant laquelle nous avons perdu des malades juste parce qu’on n’avait pas de places en réanimation…

Je me rappelle qu’il y avait des patients qui attendaient dans des voitures qu’un malade soit transféré ou, et c’est arrivé plusieurs fois, qu’il y ait un décès, afin de libérer un lit de réanimation.

On n’a pas tiré de leçon de la 2e vague ?

Absolument, moi personnellement ainsi que des collègues avons toujours défendu l’idée qu’il y ait un circuit indépendant propre au covid.

On avait le choix depuis le début de l’épidémie de réfléchir comment mettre en place ce genre d’organisation : soit par la réquisition de tout un hôpital dans une wilaya et dispatcher les autres spécialités sur d’autres hôpitaux y compris dans les wilayas limitrophes. Pourquoi ne pas penser aux potentialités que peut offrir le secteur privé mais qu’on n’a pas utilisées à bon escient et qu’on n’a pas sollicités jusqu’à présent afin de répondre à ce besoin en augmentation exponentielle.

Nous avons dû différer des interventions chirurgicales, des situations se sont accumulées et les cas se sont aggravés. Le schéma qui a été mis en place chez nous, et notamment par rapport à l’organisation et la gestion de la crise sanitaire, repose sur la prise en charge des cas covid ainsi que les autres pathologies dans une même structure de santé.

Non seulement ce n’est pas la bonne solution, et aussi c’est une façon qui explique pourquoi il y a autant de personnels de santé contaminés et surtout autant de décès. Et pourquoi on est confronté à chaque fois à la même problématique : augmentation des cas et des besoins en lits d’hospitalisations.

Ce qui fait qu’on aller chercher des lits dans d’autres services pour les malades covid, amputant ainsi d’autres activités et contraignants ces services à décaler pour ne pas dire abandonner d’autres malades.

Encore faut-il faire des propositions pour ces malades, ce qu’on n’a malheureusement pas fait. Je pense qu’on aurait dû solliciter le secteur privé dont le rôle dans cette organisation n’est pas identifié.

Soit le secteur privé peut prendre en charge les malades covid ou au minimum les malades atteints d’autres pathologies et qui ont eux aussi besoin d’une prise en charge.

Quelle évaluation faîtes-vous de la campagne de vaccination anti-covid en Algérie ?

Elle est en train de s’accélérer ces dernières semaines, nous commençons quand même à recevoir des quantités de vaccins, je dirais pas suffisantes car on n’est encore loin du compte dès lors que l’objectif est de vacciner au minimum 17 millions d’Algériens : jusqu’à présent, d’après les chiffres qui nous ont été communiqués, on a vacciné au maximum 2,2 millions d’Algériens pour une quantité de vaccins reçues jusqu’à présent qui tourne autour de 3 et 3,2 millions de doses.

Il faut accélérer la campagne vaccinale, car dans tous les pays du monde on est en train d’agir sur deux axes principaux. D’abord, l’acte préventif à travers les mesures barrières à faire respecter, et ensuite l’axe de la vaccination, c’est-à-dire arriver à vacciner un maximum de populations à des taux de 40 à 50 % pour un début afin d’espérer arriver à un seuil de 60 %.

En Algérie, le gouvernement l’a compris et des instructions ont été données dernièrement non seulement pour ramener plus de quantités de vaccins rapidement mais surtout pour accélérer la campagne.

On aurait dû penser aux vaccinodromes dès le départ, malheureusement le comité scientifique a décidé de vacciner dans les structures de santé. On s’est compliqué les choses alors que dans les pays qui ont opté pour les vaccinodromes, la campagne vaccinale a formidablement fonctionné.

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