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« La France ne peut pas trouver mieux que les médecins algériens »

“La France ne peut pas trouver mieux que les médecins algériens”

Une nouvelle vague de médecins s’apprête à quitter l’Algérie pour la France. L’information, qui a été révélée samedi 5 février, par le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), a remis au devant de la scène le débat sur l’exode des médecins algériens vers l’étranger.

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Le Professeur Mostefa Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche, (FOREM) estime qu’aujourd’hui  la France « ne peut pas trouver mieux que des médecins algériens pour composer ses besoins » et que « faute d’activité économique importante », l’Algérie ne peut pas absorber toutes ces compétences ». Entretien

L’exode des médecins algériens vers l’étranger se poursuit. 1200 médecins s’apprêtent à quitter le pays pour s’installer en France. Comment expliquez-vous cet exode ?

Ce n’est pas un phénomène spécifique à l’Algérie. Ce phénomène touche aussi un peu la Tunisie, le Maroc et surtout l’Egypte. Ce sont des pays exportateurs de main-d’œuvre qualifiée.

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Aujourd’hui, nous avons un système de formation assez important et qui produit beaucoup. Ce que l’on produit aujourd’hui est difficile à intégrer faute d’activité économique importante. Nous l’avons constaté et ce n’est pas valable uniquement pour la médecine. A l’ESI (Ecole nationale supérieure d’informatique), pratiquement 80% des promotions partent à l’étranger depuis dix ou quinze ans.

Cela veut dire que nous produisons et que nous formons pour l’étranger. Il en est de même pour l’Ecole  polytechnique d’Alger et même des autres écoles polytechniques du pays. Nous avons de grandes écoles qui forment pour l’étranger. Aujourd’hui, on le voit pour le côté médecine, mais cela existe dans d’autres domaines.

Pourquoi autant de médecins algériens font le choix de l’étranger ?

Il y a un aspect négatif, le système national de santé n’arrive pas à absorber toutes les promotions et n’a pas d’attractions pour les jeunes médecins pour de nombreuses raisons.

Tout d’abord, le salaire qui est insuffisant pour des médecins et qui est, à titre d’exemple, inférieur à celui des médecins spécialistes tunisiens. Il n’y a pas de cadre de vie à proprement parler. Les médecins qui sont envoyés dans le cadre du service civil bénéficiaient avant d’un appartement, aujourd’hui, ils sont logés à quatre, six dans le même appartement.

Il n’y a pas d’incitation. Il n’y a pas de cadre de vie qui favorise l’installation de ces médecins spécialistes lorsqu’ils partent s’installer à l’intérieur du pays. Ces aspects-là font que les médecins cherchent à partir ailleurs.

1200 nouveaux médecins algériens ont réussi les tests d’équivalence en France (les épreuves EVC). Qu’est-ce que cela dit de notre système de formation ?

L’école algérienne, quoique l’on dise, reste une bonne école puisque elle forme des gens qui trouvent une place et une possibilité d’activité à l’étrange, que ce soit au Canada, dans les pays du Golfe ou dans certains pays européens et particulièrement la France.

Cela veut dire que c’est une école de bonne facture aujourd’hui. L’école algérienne produit beaucoup. Les 15 facultés de médecine en Algérie produisent plus de 5000 médecins généralistes par an.

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A cela s’ajoutent pratiquement 2000 médecins spécialistes qui sortent chaque année. Ce sont des chiffres importants. La question qui se pose est : avons-nous les capacités d’absorber tous ces gens-là ? Je ne pense pas.

Le secteur privé se développe d’une manière anarchique et très lentement. Alors que le secteur public est en voie de saturation. Il y a donc un excédent. Il y a beaucoup de médecins au chômage et surtout des pharmaciens, de plus en plus au chômage et aussi, des chirurgiens médecins dentistes au chômage. Le fait qu’il y ait possibilité pour ces médecins-là de travailler à l’étranger est une bonne chose.

Que pourraient apporter au pays les médecins algériens installés à l’étranger ?

L’école de médecine d’Algérie forme des gens qui sont exportables et de qualité. Ces gens-là vont, certes, partir travailler à l’étranger mais vont rester en contact avec leurs familles et proches restés en Algérie.

Ils pourront dans les prochaines années apporter certainement un plus. Ils pourront, aussi, investir chez eux dans leurs villes et leurs villages. Il ne faut pas négliger tout cela.

Le fait que des médecins partent s’installer à l’étranger n’est pas nécessairement une perte pour le pays. Si on sait utiliser les compétences, ce n’est pas forcément une perte. Le monde est aujourd’hui un village. On peut être en contact à distance immédiatement, quotidiennement de manière permanente.

On peut donc importer ce savoir-faire d’une manière ou d’une autre. Il suffit pour nous de nous préparer à ce nouveau monde qui sera un monde pratiquement à distance et je pense que le Covid a accéléré les choses.

Sur les 2000 lauréats aux épreuves EVC cette année, toutes nationalités confondues, plus de la moitié sont Algériens. La France aurait-elle une préférence pour les médecins algériens ?

La France a tout fait pour faire appel à des compétences européennes. On le sait avec l’apport des médecins polonais, roumains, bulgares etc. Mais les Français se sont aperçus que les médecins de ces nationalités étaient, peut-être, éloignés de leur culture et que cela posait problème, notamment au niveau des villages et des structures de santé françaises.

Aujourd’hui, ils ont affaire à des Maghrébins et en particulier à des Algériens parce que ces derniers connaissent la culture française et sont beaucoup plus proches de la culture française que ne le sont certains européens. C’est une évidence. Même si les Français ne veulent pas le dire.

Le chiffre aurait pu être plus important. Probablement beaucoup de médecins spécialistes algériens n’étaient pas au courant. Beaucoup n’ont peut-être pas rempli correctement leurs dossiers.

S’il y a un renouvellement du concours, il y aura probablement autant d’admis. Le problème ne se pose pas à ce niveau-là. La France a des besoins importants en couverture médicale, elle ne peut pas trouver mieux que des médecins algériens, ou Maghrébins, pour composer ses besoins. Pratiquement dans tous les hôpitaux français, on retrouve aujourd’hui des médecins maghrébins.

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