Économie

L’Algérie a-t-elle bien fait d’instaurer une allocation chômage ?

La loi de finance 2022 a institué une allocation chômage au profit des chômeurs primo-demandeurs d’emploi inscrits auprès des services de l’Agence nationale de l’emploi (ANEM). 

Les conditions et les modalités de mise en œuvre de cette allocation ainsi que les engagements des bénéficiaires viennent d’être précisés par décret publié au Journal officiel. Le montant étant fixé à 13 000 DA mensuellement. 

Selon l’économiste Brahim Guendouzi, la hausse du taux de chômage en Algérie engendrée par le ralentissement de l’activité économique conséquemment aux retombées de la pandémie, a amené les pouvoirs publics à instituer une allocation chômage afin d’atténuer un tant soit peu les tensions sociales particulièrement chez les jeunes confrontés à l’absence de perspectives sur le plan professionnel.

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« L’ancien « filet social », qui avait rempli un rôle d’amortisseur il y a quelques années, se trouve actuellement dépassé par la nouvelle configuration de l’économie nationale », constate-t-il.  

Le fait de distribuer un revenu à des personnes sans travail et sans couverture sociale peut effectivement être perçu par les concernés avec beaucoup de satisfaction, convient M. Guendouzi. 

« Il reste entendu cependant que le problème de fond pour lequel des solutions durables devraient être préconisées est celui de l’emploi permanent ainsi que la couverture sociale », objecte-t-il.  

Aussi, dit-il, l’allocation chômage est logiquement destinée aux primo demandeurs de postes de travail, particulièrement les jeunes diplômés de l’enseignement professionnel et des universités. 

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« D’autant plus qu’ils ne disposent d’aucune expérience professionnelle à faire valoir face aux éventuels recruteurs qui sont exigeants en la matière », mentionne l’économiste.

Un problème d’équité

Pour autant, relève l’économiste, il existe déjà une appréhension quant à son application par rapport à une situation qui caractérise l’économie algérienne du fait que de nombreux jeunes exercent des activités informelles et donc disposant réellement d’un revenu. 

« Comment discerner alors les vrais chômeurs de ceux qui pratiquent au noir des tâches rémunérées ? », s’interroge-t-il, ajoutant qu’une autre « distorsion » risque d’apparaître entre des chômeurs bénéficiant d’une allocation de 13 000 DA par rapport à ceux qui sont en déjà activité dans différents dispositifs sociaux et d’apprentissage mais qui sont rémunérés à 10 000 dinars ou moins, soit en deçà du montant de l’allocation elle-même. 

« Cela pose alors un problème d’équité. Enfin, il y a une véritable contrainte liée à la maîtrise de l’effectif des bénéficiaires et ce, en liaison avec l’existence de données fiables », relève M. Guendouzi. 

Par ailleurs, les personnes ayant déjà travaillé mais qui viennent de perdre leurs emplois suite à des licenciements sont considérées aussi comme chômeurs. « Ceux-là vont logiquement s’adresser au dispositif relatif à la Caisse nationale d’allocation chômage (CNAC) qui dispose de ressources dédiées à cette situation ».

Le financement de cette mesure va-t-il aggraver le déficit budgétaire déjà colossal de l’Etat algérien ? Selon l’économiste, l’allocation chômage, sur le plan budgétaire, rentre dans la catégorie des dépenses publiques relevant des transferts sociaux. 

Ainsi, il juge que l’effort financier qui sera occasionné par la mise en œuvre de l’allocation chômage « sera évidemment important » compte tenu du nombre élevé des prétendants considérés comme chômeurs. 

« Si cette année 2022, la marge de manœuvre est relativement aisée eu égard à la conjoncture énergétique favorable pouvant entraîner des recettes susceptibles d’être en nette hausse, quelles en seraient alors les conséquences pour les années futures sur le plan budgétaire ? », se demande notre interlocuteur.  

Autrement dit, « par quel mécanisme cette allocation chômage serait-t-elle financée à l’avenir et serait-elle viable dans le moyen terme au vu de l’accentuation du chômage des jeunes, particulièrement celui des diplômés ? ».

« Les dépenses pour des mesures sociales créent des richesses »

L’économiste Mohamed Achir estime pour sa part que sur le plan social, la prime de chômage doit être un droit. « Il y a lieu donc de saluer cette mesure. On est un État social qui comprend la prise en charge des chômeurs et pas uniquement les transferts sociaux (couverture sociale, sanitaire) », relève-t-il. 

Et de faire remarquer que le taux de chômage qui touche les diplômés universitaires se situe dans les 40%. « La mesure reste à caractère social et non pas économique. Une mesure de transition, en attendant de trouver un emploi », explique ce docteur en économie tout en se disant favorable à la réhabilitation des dispositifs de première embauche comme le DAIP, DAIS, et les Contrats aidés pour le secteur économique.

« Pour moi le social est positif. Certains considèrent que le social est une source de dépenses, je considère que les dépenses pour des mesures sociales créent des richesses. Lorsqu’on améliore le cadre de vie du citoyen ou qu’on donne une allocation de chômage à un chômeur, on considère cela comme un revenu sur le plan macroéconomique. L’Etat social c’est cela aussi », soutient-il.  

L’économiste considère en outre que l’action publique de prise en charge sociale de la population vulnérable doit être complétée par l’action associative. 

« C’est ce qu’on appelle le secteur de l’économie sociale et solidaire, qui doit être développé en Algérie pour qu’il complète l’action sociale publique. Il s’agit d’institutionnaliser les actions sociales à travers des associations qui font ce travail de manière très professionnelle », plaide M. Achir. 

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