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Larbaâ Nath Irathen : un crime abominable et des enseignements

Larbaâ Nath Irathen : un crime abominable et des enseignements

Double horreur à Larbaâ Nath Irathen sur les hauteurs de Tizi-Ouzou. Trois jours d’incendies meurtriers, d’une ampleur jamais vue, ont été conclus par un crime abominable et ignoble.

Un jeune homme soupçonné d’être l’un des pyromanes qui ont mis le feu à la région a été mis à mort par une foule en furie et son cadavre brûlé. Dans les minutes qui ont suivi la mise à mort, les images ont fait le tour d’Algérie, choquant tout le pays.

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Mais il y a plus dramatique. Il s’avérera plus tard que le supplicié a fait 250 kilomètres, de Miliana, pour prêter main forte aux habitants de la Kabylie encerclés par les flammes.

Les auteurs du crime n’ont pas seulement appliqué une loi d’un autre âge, ils ont fait pire. Ils ont réservé le plus abominable des sorts à quelqu’un qui leur voulait du bien, un artiste peintre altruiste de surcroît.

Bien entendu, ce n’est pas cette qualité qui a valu la mort au jeune Djamel Bensmaïl. Ses bourreaux ne l’ont pas exécuté parce qu’il était venu les aider, mais parce qu’ils l’ont pris pour un pyromane. Bien sûr, cela ne les excuse pas. Quelles que pourraient être les raisons de la méprise, il fallait laisser la justice faire son travail. Le drame serait évité.

Le jeune Bensmaïl est arrivé à Tizi-Ouzou dans un climat de psychose, de tension et de paranoïa qui règne dans toute la région depuis le début des incendies.

De hauts responsables de l’Etat ont affirmé publiquement que les incendies sont d’origine criminelle et que les pyromanes ont choisi minutieusement leurs cibles pour faire le maximum de dégâts.

Et la rumeur a fait le reste. On a parlé pendant deux jours de véhicules qui circulent sans plaques d’immatriculation, de gens venus de l’extérieur de la Kabylie pour y mettre le feu. Bien sûr sans la moindre preuve ni indice.

La région a vécu l’enfer, c’est indéniable. Le jour du drame, un village de la commune a lancé un appel à l’aide pour l’enterrement de ses morts, au nombre de 25. Autant de militaires avaient trouvé la mort la veille non loin du même village et dans les mêmes conditions. La plupart des pertes humaines annoncées ont été déplorées dans cette région.

Dans un tel climat de terreur et de paranoïa, il suffit de crier au pyromane pour que le drame survienne, et c’est ce qui vient de se passer à Larbaâ Nath Irathen.

Barrer la route aux semeurs de haine

Mais encore une fois, cela n’excuse en rien ni ne justifie l’exécution d’un homme sur la place publique. Nonobstant les raisons de la malheureuse méprise, on ne se fait pas justice soi-même. La loi du Talion n’est pas faite pour notre époque. Les auteurs du crime doivent répondre de leur acte devant la justice et écoper du juste châtiment qu’appelle la gravité de ce qu’ils ont fait.

Les circonstances de la mort du jeune Bensmaïl restent encore floues, mais les services de sécurité devaient protéger le suspect, quitte à utiliser la force. Une enquête doit être ouverte pour déterminer les responsabilités et tirer les leçons qui s’imposent pour que ce genre de drame ne se reproduise plus en Algérie.

L’Etat est interpellé, les notables de Larbaâ Nath Irathen et de la Kabylie aussi. Ils doivent se démarquer de cet acte, surtout ne pas tenter de le justifier, et se rendre chez les parents de la victime pour demander pardon.

La population peut aussi exprimer sa désapprobation par une marche ou toute autre action, une fois les incendies éteints. Il est certain que les criminels ne représentent pas toute la Kabylie. La preuve, ceux qui ont appréhendé le jeune Djamel Bensmail pour des raisons qui restent à élucider ne l’ont pas tué, ni maltraité. En gens civilisés, ils l’ont remis aux forces de l’ordre. Les choses auraient pu en rester là.

Il est impératif aussi de ne pas laisser les tenants de la haine se saisir de ce crime pour continuer leur œuvre de division. La solidarité dont ont fait preuve toutes les régions d’Algérie envers la Kabylie dans cette épreuve a émerveillé. C’est sans doute l’un des plus grands élans de solidarité qu’a connu l’Algérie depuis l’indépendance.

Ils sont venus de partout, avec des citernes d’eau, des vivres, de l’eau minérale, des tentes, des médicaments. Parmi eux, hélas, le jeune Djamel. Dans certains centres de collecte de dons à Alger, on a frisé la bousculade.

La cohésion nationale ne s’est jamais mieux portée que lors de ces trois jours d’enfer et il est impératif qu’elle le reste.

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