search-form-close
Séismes : « Les 5 failles qui entourent Alger sont inquiétantes »

Séismes : « Les 5 failles qui entourent Alger sont inquiétantes »

Le séisme qui frappé la région de Béjaïa samedi 19 mars a rappelé que l’Algérie n’était pas à l’abri d’un nouveau tremblement de terre destructeur.

Un séisme de magnitude 5,5 degrés a frappé la région de Béjaïa samedi 19 mars, faisant une trentaine de blessés et quelques dégâts matériels. L’épicentre de ce tremblement de terre a été localisé à 28 km au nord-est  de cap Carbon au large de Béjaïa.

Il y a un an jour pour jour, un séisme de magnitude 5,8 a frappé la même région à cet endroit-même. « C’est une magnitude qui est tout à fait normale, puisque la magnitude qui est arrivée sur la ville de Bejaia doit être de 5 au maximum, parce qu’elle est amortie par les eaux et les fonds marins », explique à TSA le Pr Abdelkrim Chelghoum, président du Club des risques majeurs.

| LIRE AUSSI : VIDÉO. Séismes en Algérie : les causes et le dispositif de surveillance

Et d’ajouter : « Si on doit étudier les dégâts, on doit le faire aux environs de 4,8 à 5 (de magnitude), pas plus. C’est pour cela qu’il n’y a pas d’effondrements spectaculaires ».

Mais ce rebond de l’activité sismique « n’est pas normal que ce soit pour Béjaïa, Médéa, Béni Ourtilane ou pour Alger, etc. », observe l’expert algérien.

| LIRE AUSSI : Inondations en Algérie : « Ça ira de mal en pis »

« C’est pourquoi les responsables concernés du ministère de l’Intérieur, en charge de la gestion des risques majeurs, doivent se pencher sérieusement, et engager des études très approfondies et précises sur le mouvement des failles sismiques », recommande-t-il.

| LIRE AUSSI : Séismes : la Protection civile explique les gestes à faire et ceux à éviter

« Là c’est Cap Carbon, mais ce qui m’inquiète, ce sont les cinq failles qui entourent la région d’Alger et qui ne sont pas des failles en mer mais en terre-plein : la faille du Sahel, celle de la Mitidja, du Chenoua, etc. Ce sont des failles très dangereuses qui bougent généralement entre une magnitude de 7 et 7,5. C’est là où les responsables du pays doivent être vigilants en appliquant le principe de précaution et de prudence », souligne-t-il.

« Le vieux bâti est abandonné à lui-même »

L’intérêt, selon le Pr Chelghoum, est que ces études de failles permettront « d’avoir une certaine prédiction des mouvements sismiques à venir ».

« On peut même déterminer par quelle intensité et magnitude ils vont se produire. Cela va permettre aux autorités de mettre en place une stratégie de prévention sur tout le bâti », insiste-t-il.

Plus que tout, ce que redoute le Pr Chelghoum, ce sont les conséquences sur le vieux bâti, celui hérité de l’époque coloniale et qui date d’il y un siècle voire un siècle et demi, construit « dans une période où il n’y avait pas de normes parasismiques ».

« Ces bâtisses ne peuvent pas absorber une onde sismique de 6 (sur l’échelle de Richter), c’est impossible. Depuis le séisme de Boumerdès (2003), j’avais appelé à l’élaboration d’un corpus de règles claires qui, d’une part, permettent de produire des modèles de confortement pour chaque typologie de construction. Et d’autre part, de dégager des budgets conséquents pour la consolidation de ce (vieux) bâti », mentionne Abdelkrim Chelghoum.

Si la législation sur les règles urbanistiques a été renforcée depuis 2003 sur les nouvelles constructions avec le RPA (règles parasismiques algériennes), le Pr  Chelghoum indique qu’en ce qui concerne le vieux bâti « il n’y a aucune législation ».

« C’est une recommandation que je réitère à chacune de mes conférences même celles organisées par les pouvoirs publics. Le vieux bâti est abandonné à lui-même. On va subir les contrecoups d’un terrible séisme à Alger, Oran et Constantine, etc. », prévient-il.

« N’oublions pas qu’il y a 1,2 million de bâtiments datant de l’ère coloniale. Je suis très inquiet. C’est plus qu’une hantise, c’est mon cauchemar. Ce sont des millions de personnes qui habitent dans ces bâtisses », rappelle le Pr Chelghoum.

L’expert appelle à dégager les fonds pour la réhabilitation des bâtisses vulnérables tout en suggérant de donner la chance à l’expertise nationale.

« Le travail peut être fait par des entreprises algériennes, par des bureaux spécialisés algériens. Il s’agit d’élaborer l’expertise de tout le vieux bâti, pour ensuite aboutir à des conclusions et des recommandations bien précises sur la réhabilitation, le renforcement ou bien sur la démolition quand le renforcement s’avère impossible », détaille-t-il.

Interrogé sur l’activité sismique au niveau de la région du Cap Carbon, Abdelkrim Chelghoum affirme qu’il s’agit d’une activité intense qui touche le nord de l’Algérie.

« La région nord du pays se trouve dans une plaque tectonique et tout le littoral algérien est concerné par cette activité sismique, sévère parfois, moyenne ou faibles d’autres fois. N’oublions pas que près de 80 séismes par jour secouent le littoral, certains on les ressent, d’autres non. C’est tout à fait normal pour cette situation géographique de notre pays », expose Abdelkrim Chelghoum.

« L’Algérie n’est pas à l’abri » d’un séisme destructeur

S’agissant des recommandations, il met en avant l’importance que la population soit sensibilisée à cette réalité que « la terre va encore se mettre à bouger, sévèrement ou moyennement ».

« Mais la balle revient toujours à l’Etat, le citoyen n’est pas responsable de la gestion des risques majeurs », tient-il à préciser. « C’est à l’Etat que revient la mission de mise en œuvre d’une stratégie de prévention contre ces risques », insiste l’expert.

Sur l’éventualité d’un scénario 2003-bis, le Pr Chelghoum est formel : « L’Algérie n’est pas à l’abri » d’une catastrophe comme celle de Boumerdès qui avait fait plus de 2 000 morts et des dégâts matériels se chiffrant en plusieurs centaines de milliards.

Les séismes « sont des phénomènes récurrents. C’est-à-dire que ceux qui ont déjà frappé le littoral vont revenir avec la même intensité, au même endroit à une certaine période qu’on appelle la « période de retour » et que personne ne peut prédire. Ce sont des phénomènes imprédictibles et imprévisibles. Ils peuvent venir maintenant comme dans un siècle. La seule solution consiste en la prévention, en l’occurrence le renforcement parasismique de toutes les infrastructures », conclut Abdelkrim Chelghoum.

  • Les derniers articles

close