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Un miraculé des incendies de Bejaia raconte : « On a vécu l’enfer ! »

Un miraculé des incendies de Bejaia raconte : « On a vécu l’enfer ! »

Des violents incendies ont endeuillé à nouveau l’Algérie la semaine passée, avec un bilan de 40 morts, dont 28 à Bejaia, la région la plus durement touchée par la catastrophe.

Après le drame, Mourad, la soixantaine consommée, peine à oublier ce mardi fatidique lorsque lui et sa famille, sa femme et ses trois enfants, ont échappé miraculeusement à une mort certaine.

Aujourd’hui encore, les images de l’apocalypse défilent dans sa tête, avoue-t-il, même si la vie reprend progressivement son cours dans cette région éprouvée et dévastée de Timrijine, à l’ouest de Toudja où il a pris une maison en location pour quelques jours de vacances.

« On est des miraculés », soupire-t-il après un long silence. Ancien cadre d’une entreprise à Alger, Mourad est familier de la côte ouest de Bejaia où il a coutume d’y passer ses vacances d’été.

Cette fois encore, il n’a pas dérogé à la règle. Il y a une semaine, il est parti s’installer dans une maison au lieu-dit Timrijine, en haut de l’auberge du Thais, non loin de Thighremt, lieu de villégiature par excellence et endroit prisé de nombreux estivants.

Une maison entourée de maquis, à un jet de pierre en contre-haut de la RN 24 reliant Bejaia à Azzefoun, à la vue imprenable sur la mer et les reliefs environnants.

« Il était 4 heures du matin ce mardi, moi je dormais et mes enfants, encore éveillés prenaient depuis la terrasse des photos du feu qu’ils voyaient au loin à hauteur de cap Sigli. Mais à aucun moment, ils ne se doutaient qu’il allait parvenir à notre niveau », raconte-t-il.

Par insouciance ou par mauvaise appréciation du danger, la famille plonge dans son sommeil alors que les feux nés dans les maquis d’El Kseur se propagent, le vent aidant, à une vitesse vertigineuse dans toutes les directions.

Incendies de Bejaia : voyage au bout de l’enfer

Alors que les flammes progressent dangereusement vers Timrijine, Mourad et sa famille sont encore dans les bras de Morphée. Et la nuit semble s’étirer paresseusement pour eux. Un fait anodin va pourtant finir par leur éviter le pire et leur laisser la vie sauve : leur voisin, venu épuisé de Saket pour sauver son chien qu’il a laissé seul à la maison, va les réveiller

« Au début, il pensait que nous étions partis », dit Mourad. Face à l’imminence du danger et les flammes qui consument les broussailles en se rapprochant de la maison, Mourad pare au plus pressé : mettre à l’abri la famille dont sa femme « asthmatique » et éloigner la voiture qu’il va garer près de la plage.

Grâce à ses connaissances rudimentaires dans le secourisme qu’il a appris des pompiers qu’il a longtemps côtoyés à Dar El Beida (Alger), lieu de sa résidence, Mourad, aidé par ses trois enfants adultes et universitaires, va procéder à vider la terrasse de tous les produits inflammables, dont des madriers, et se barricade à l’intérieur de la maison en fermant hermétiquement portes et fenêtres et tous les interstices, par le biais de tissus mouillés, pour éviter l’introduction de la fumée.

« On a mouillé même les vitres », explique-t-il. « Nous nous sommes enfermés à l’intérieur de la maison. Ça a duré environ une demi-heure, les flammes ont traversé la terrasse. Mais au bout d’une heure, tout était dissipé », ajoute-il non sans dissimuler son soulagement.

Incendies à Bejaia : la famille de Mourad a vécu l’horreur

« C’était une fournaise, je n’ai jamais vu ça de ma vie. Ç’a été l’enfer », raconte-t-il encore.

Passés ces moments de panique et ce « voyage au bout de l’enfer », Mourad réalise l’étendue du désastre aux alentours de Timrijine.

Des maisons brûlées, des maquis dévastés et des voitures calcinées. « Ceux qui ont tenté de se sauver en voiture en allant vers l’ouest, donc dans le mauvais sens, se sont retrouvés entre les feux. Un homme a été happé par les flammes lui et son ami dans leur voiture alors qu’il tentait de s’éloigner de la route pour se mettre à l’abri derrière une maison à Cap Sigli », raconte-t-il.

Et durant toutes ces journées, mardi et mercredi, Mourad assure qu’il n’a vu, depuis sa terrasse qui domine une vaste étendue des reliefs limitrophes, aucun canadair, contrairement à ce qui a été distillé sur les réseaux sociaux.

« J’ai vu juste un hélicoptère longeant le littoral et un petit bateau venu récupérer les estivants qui étaient sur les plages », affirme-t-il.

Il assure aussi que les communications étaient coupées. « On dispose des puces des trois opérateurs et aucune ne fonctionnait le premier jour. J’ignore si les antennes ont brûlé quelque part, mais les communications ne se sont rétablies que le lendemain ».

Deux jours après le désastre, la région offre un spectacle de désolation et de tristesse. « Les plages sont vides et tout le monde a quitté les lieux », dit Mourad.

Et même s’il ne compte pas renoncer à retourner sur ces lieux, qu’il a toujours admirés, il n’est pas prêt cependant à oublier cette journée où il a frôlé la mort, lui et sa famille. « Nous sommes des miraculés ». Reste à savoir s’ils réussiront à transcender le traumatisme.

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