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Usurpation de fonction et d’identité : faux cadres et vrais escrocs

Usurpation de fonction et d’identité : faux cadres et vrais escrocs

Les affaires d’usurpation de fonction et de qualité, suivie d’escroquerie, se multiplient en Algérie. Le phénomène n’a rien de nouveau, mais les autorités, judiciaires et politiques ont fait le choix depuis quelques temps de communiquer sur la question, allant jusqu’à révéler la véritable identité de ceux qui se faisaient passer pour ce qu’ils ne sont pas.

Ce dimanche 18 octobre, le parquet du tribunal de Sidi M’hamed (Alger) a lancé un appel à témoin à l’adresse des personnes qui auraient éventuellement été victimes des agissements d’un individu qui prétendait être un cadre supérieur de l’armée. L’identité du faux officier est divulguée et le communiqué est accompagné de sa photo. Il s’agit d’un certain Nabil Boubeker.

Le 28 septembre, le tribunal correctionnel près le tribunal de Bougaâ dans la wilaya de Sétif a condamné, en comparution directe, à un et trois ans de prison ferme deux personnes pour « tentative d’escroquerie et utilisation de la qualité d’inspecteur général au ministère de la Justice ».

Le même jour, c’est la direction de la sécurité intérieure (DSI) qui a été mise à contribution pour mettre fin aux agissements d’un individu qui escroquait ses victimes en leur faisant miroiter moult services grâce à son statut, faux évidemment, de cadre supérieur à la présidence de la République. L’affaire avait fait l’objet d’un communiqué du ministère de la Défense nationale.

« Cette interpellation intervient suite à une enquête et une poursuite minutieuse qui a abouti à l’implication du mis en cause dans des affaires d’usurpation de fonction de cadre auprès des services de la présidence de la République, d’escroquerie de cadres supérieurs, de pratiques de chantage et de corruption, et d’activités subversives sur les réseaux sociaux. Il prétend, également, entretenir des liens de parenté avec des hauts responsables de l’Etat, civils et militaires », avait précisé le MDN.

Là aussi, l’identité du mis en cause est rendue publique : Zohir Ansel, dit Karim Sifou, prétendu président du pseudo Conseil des jeunes algériens.

C’était la deuxième affaire en deux mois dans laquelle des escrocs faisaient prévaloir une prétendue appartenance aux services de la présidence.

En juillet dernier, c’est tout un réseau qui a été démantelé. « Les concernés activaient au nom d’une association non agréée, en faisant croire aux victimes, pour les escroquer, qu’ils collaboraient avec la présidence de la République (…) Ils ont illégalement délivré à des citoyens des autorisations de circulation durant le confinement en contrepartie de sommes d’argent, de même qu’ils ont collecté des dons détournés de leur destination initiale, et fourni des autorisations et documents à des étrangers », indiquait un communiqué des services de sécurité.

Mme Maya, la dame qui a berné ministre et walis

Le phénomène a pris depuis quelques années des proportions alarmantes, illustrées par ce qui a été révélé lors du récent procès de la dénommée Mme Maya.

Il est vrai que le cas de cette dame diffère de ceux des faux officiers ou cadres, puisque sa proximité avec la présidence de la République du temps de Abdelaziz Bouteflika n’était pas tout à fait un mensonge, mais elle a aussi eu recours à l’usurpation d’identité à des fins d’escroquerie : pendant de longues années, elle s’est fait passer pour la « fille cachée » du président de la République de l’époque.

Suffisant pour s’ouvrir toutes les portes et amasser une fortune découverte sous forme de bijoux et de liasses de devises dans sa villa à Moretti sur la côte ouest d’Alger.

Plusieurs anciens hauts responsables (walis et ministres) appelés à la barre ont confirmé avoir mordu à l’hameçon et qu’ils croyaient réellement prendre en charge la fille du président. La justice a prononcé de lourdes peines, dont 12 ans de prison ferme à l’encontre de la principale accusée.

Hormis cette affaire où la mise en cause est allée un peu loin pour berner son monde et était réellement recommandée par le président et son cercle, les autres affaires du genre se ressemblent presque toutes.

Les escrocs ont une préférence pour des fonctions biens précises et des institutions névralgiques. Souvent, ils se font passer pour de hauts gradés de l’armée et des services de sécurité, des douaniers bien placés, des cadres de ministères régaliens ou carrément de la présidence, des juges ou procureurs…

Leurs cibles sont également soigneusement choisies parmi ceux qui ont les moyens de fortement les rémunérer, soit des hommes d’affaires, importateurs ou investisseurs en litige avec l’administration.

Mais il leur arrive, et c’est même souvent le cas, de dépouiller de simples citoyens dans le désarroi, leur faisant miroiter un poste de travail, un logement social, un visa.

Des comportements encouragés par le souci d’éviter les embuches bureaucratiques, mais aussi par l’hésitation des victimes à les dénoncer, se sachant en porte-à-faux avec la loi, notamment quand un pot-de-vin est versé.

Beaucoup de nouvelles lois ont vu le jour cette année pour prendre en charge les nouvelles formes de criminalité (diffusion de rumeurs, enlèvement, agression sur le corps médical…).

La prolifération du phénomène d’escroquerie et l’usurpation d’identité et de fonction appelle également l’élaboration d’un texte spécifique, mais aussi l’élimination de cette bureaucratie et ces passe-droits dans l’administration sans lesquels les faux cadres n’auraient pas de raison d’exister.

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