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Guerre Palestine – Israël : à qui profite le crime ?

Guerre Palestine – Israël : à qui profite le crime ?

L’attaque du Hamas palestinien contre Israël n’a pas encore totalement pris fin, ni les bombardements de l’aviation israélienne sur la population civile de Gaza et le monde n’a pas la moindre idée de ce que sera la suite du conflit.

Ce qui n’empêche pas certains analystes de dresser comme des petits bilans d’étape pour évaluer les gains et les pertes des uns et des autres à ce stade des affrontements.

Le vainqueur incontestable jusque-là reste le mouvement Hamas qui se voit propulser au rang de leader incontesté de la résistance palestinienne.

En contrôlant la bande de Gaza, le mouvement issu de la mouvance des Frères musulmans partage le pouvoir dans les territoires palestiniens avec le mouvement Fath qui est à la tête de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie.

La popularité du Hamas est allée crescendo ces 15 dernières années au fil des guerres successives que lui a mené l’armée israélienne et auxquelles il a opposé une résistance remarquable.

Après son action spectaculaire du 7 octobre, sa popularité est à son summum en Palestine et dans tout le monde arabe et musulman. Il n’est pas sûr qu’à  l’avenir on entendra parler de la nécessité d’unifier les factions palestiniennes tant il ne reste plus grand-chose des autres.

Si le Hamas s’est propulsé au-devant de la scène palestinienne, son soutien déclaré, l’Iran, gagne lui des points sur l’Arabie saoudite dans leur course au leadership du monde musulman.

Téhéran n’a pas franchement eu un rôle dans l’opération du Hamas -il n’en a même pas été informé, de l’aveu des Américains-, mais les opinions publiques dans le monde musulman retiennent que c’est l’unique grande puissance régionale -le Qatar, qui accueille la direction de Hamas, étant un pays de moindre taille- à avoir été constante dans son soutien au mouvement palestinien, outre ses liens directs et assumés avec le Hezbollah libanais qui harcèle lui aussi l’armée israélienne à la frontière nord.

Avec le régime de Bachar Al Assad en Syrie, les puissantes factions chiites en Irak, les rebelles houthis au Yémen, le Hezbollah au Liban et le Hamas en Palestine, l’Iran détient des pièces qui font de lui l’un des maîtres du jeu dans la région.

L’apport du Hamas, un mouvement sunnite, est encore plus inestimable puisqu’il permet à l’Iran de transcender le clivage sunnites – chiites et se présenter comme une puissance à l’avant-garde de la défense de tout le monde musulman.

Israël, Russie, USA, Iran, monde arabe… : ce que gagnent et perdent les uns et les autres

Des analystes désignent la Russie comme l’autre grand vainqueur de ce qui se passe en Israël et en Palestine. Au point où l’opération est présentée comme le meilleur « cadeau d’anniversaire » que pouvait recevoir Vladimir Poutine qui a fêté ses 71 ans le 7 octobre précisément.

Poutine n’est pas le genre de dirigeant à laisser passer une telle opportunité tombée du ciel. Pour la Russie, l’embrasement au Moyen-Orient permet de détourner les regards du monde de la guerre en Ukraine et de disperser l’effort de guerre américain.

Le président russe peut avancer ses pions dans ce conflit et conforter les positions de son armée sur le terrain.

C’est une occasion pour lui de soigner son image avec les Musulmans de Russie et surtout de conforter le président tchétchène Ramzan Kadyrov dont les troupes sont pleinement engagées dans la guerre en Ukraine. Kadyrov a affirmé son soutien à la Palestine.

Mais aussi une occasion pour mettre l’Occident face à ses incohérences, un Occident qui soutient l’Ukraine dans sa lutte contre l’« occupant » et qui dénie ce droit au peuple palestinien.

Dans leur rhétorique depuis le début des affrontements, le président russe, ses collaborateurs et les médias de ce pays, mettent l’accent sur la responsabilité des États-Unis dans l’impasse dans laquelle se trouve la question palestinienne.

Vladimir Poutine a rappelé que si l’on est arrivé là, c’est d’abord à cause de l’insistance de l’Amérique à faire cavalier seul dans le dossier, non sans une partialité flagrante pour Israël. Moscou s’apprête peut-être à jouer un rôle plus significatif dans ce dossier.

Pour la première fois depuis longtemps, la Russie ne s’est pas contentée de s’abstenir devant une résolution américaine au Conseil de sécurité en lien avec le conflit israélo-palestinien.

Cette semaine, les Américains, qui envisageaient de présenter une résolution condamnant le Hamas, ont reculé car Russes et Chinois leur ont fait comprendre qu’elle ne passera pas.

La Chine justement est l’autre grand pays qui pourrait partager les dividendes en termes d’image avec la Russie. Pékin avait déjà réussi un grand coup au nez de Washington en étant derrière l’accord irano-saoudien en mars dernier.

En dépit des apparences, Washington qui a déployé deux porte-avions en Méditerranée pour aider militairement Israël, pourrait aussi tirer profit des affrontements en cours. Cela pourrait être l’occasion de se débarrasser de l’extrême-droite israélienne, héritage empoisonné de Donald Trump qui empêche toute avancée vers la solution à deux Etats qui est revenue au-devant de la scène avec l’attaque de Hamas.

Après avoir tenté de l’enterrer définitivement, l’Occident évoque de plus en plus cette solution comme l’issue la plus crédible et juste pour ce conflit qui empoisonne les relations internationales depuis trois-quarts de siècle.

Les Américains ont constaté que la solution dite de la normalisation n’est pas viable parce que les opinions publiques arabes y sont hostiles. Cette normalisation est l’autre victime collatérale de la guerre en Palestine.

Les Américains pourraient aussi casser la dynamique créée par la Chine entre l’Iran et l’Arabie saoudite en reprenant le contrôle sur la question iranienne qui commence à leur échapper.

La guerre en Israël est aussi un enjeu de politique intérieure aux Etats-Unis. En perte de vitesse, les Démocrates veulent l’utiliser pour gagner le soutien de la communauté juive et d’une partie de l’opinion publique. Les Républiques aussi font monter les enchères en annonçant un soutien indéfectible à Israël, principal allié des Etats-Unis au Moyen-Orient.

Au registre des perdants, il y a évidemment Benyamin Netanyahou et son gouvernement, « le plus à droite de l’histoire d’Israël » qui, vu les grognements qui se font déjà entendre à Tel-Aviv, ne devraient tenir que le temps que dureront les affrontements en cours.

L’armée israélienne a aussi laissé dans cette attaque surprise de la résistance palestinienne sa réputation d’invincibilité et son assurance qui frise l’arrogance.

La stratégie israélienne qui consiste à vider Gaza de ses habitants en les poussant à fuir le Sinaï égyptien pour ensuite leur empêcher de revenir s’est fracassée contre le refus de l’Egypte et de la Ligue arabe qui l’a clairement signifié lors de la réunion de ses ministres des Affaires étrangères mercredi au Caire. L’organisation panarabe a exprimé son opposition au transfert des Palestiniens en dehors de Gaza.

Désormais, Israël est face à un dilemme : que faire des habitants de Gaza ? Comme le feu vert des occidentaux pour se défendre ne peut pas se transformer en permis de tuer au risque de provoquer un génocide, Israël ne peut pas en effet tuer deux millions de personnes pour se débarrasser du problème palestinien et enterrer définitivement la solution à deux Etats.

En dehors d’Israël, ce que font les combattants du Hamas s’apparente à une déconfiture pour tous les dirigeants arabes, ceux du Maroc et des Emirats en tête, qui ont enterré trop vite la résistance palestinienne en offrant une reconnaissance sans contrepartie à l’État hébreu.

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