Politique

Algérie – France : un retour à la normale progressif

Le nuage d’automne se dissipe doucement et le dégel se confirme. L’Algérie et la France sont convenues de tourner la page d’une sérieuse brouille de deux mois dont ne peut s’accommoder plus longuement le poids de la relation bilatérale.

La prochaine étape de ce retour progressif à la normale devrait être le retour à Paris de l’ambassadeur d’Algérie en France, dès la semaine prochaine selon toute vraisemblance.

| Lire aussi : France : la diaspora algérienne, un levier politique pour la présidentielle ?

Dans les relations entre Etats, le rappel de l’ambassadeur est un signe de très forte tension. Il est à fortiori plus significatif dans ce cas précis, l’Algérie disposant d’une communauté de plusieurs millions de ressortissants en France avec tout ce que cela suppose comme échanges, mobilité et liens humains.

Il fallait donc un sérieux motif pour en arriver là. La charge du président français le 30 septembre dernier était trop forte pour que l’autre partie fasse comme si de rien n’était.

En recevant des descendants d’acteurs de la guerre d’Algérie, de tous bords, Emmanuel Macron entendait panser « les blessures », dans la continuité de son entreprise de « réconcilier les mémoires » entamée avant même qu’il n’accède à l’Elysée.

Néanmoins, les propos qu’il a prononcés en off mais qui ont fini sur les colonnes du journal Le Monde dès le 2 octobre, ont ramené les choses à la case départ.

Emmanuel Macron, qui fut le premier président français à qualifier le colonialisme de « crime contre l’humanité » et à reconnaitre plusieurs crimes d’Etat commis par l’armée de son pays pendant la guerre d’Algérie, est aussi, paradoxalement, celui qui a déclenché l’une des plus graves crises entre les deux pays.

Le président français a qualifié le régime algérien de « système politico-militaire » qui vit de « la rente mémorielle » et remis en cause l’existence même de l’Algérie en tant que nation avant sa colonisation par la France en 1830.

La sortie du président français intervenait dix jours après un discours dans lequel il a demandé « pardon» aux Harkis et promis une loi de reconnaissance et de réparation en leur faveur, et deux jours après l’annonce par son gouvernement de la réduction de moitié du quota de visas à délivrer aux ressortissants des pays du Maghreb, dont les Algériens, pour contraindre les dirigeants de ces pays de reprendre leurs citoyens en situation irrégulière et faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).  

Ni Alger ni Paris n’ont fermé la porte à l’apaisement 

L’enchaînement des événements laisse penser à une action calculée. Dans quel but ? Des analystes en France ont évoqué une « déception » d’Emmanuel Macron de ne « pas avoir de retour » après ses multiples gestes sur la question mémorielle, ou encore un calcul en prévision de l’élection présidentielle du printemps prochain dans une conjoncture marquée par « l’extrême-droitisation » du discours politique et la prédominance des thèmes liés à l’immigration, la laïcité, l’identité et la mémoire dans les débats de précampagne.

Quoi qu’il en soit, les autorités algériennes ont répliqué par deux mesures phares à la hauteur de la gravité de la charge : le rappel de l’ambassadeur et la fermeture de l’espace aérien aux avions militaires français qui rallient le Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane.

On a assisté dans les semaines qui ont suivi à une foule de tentatives de la partie française pour rectifier le tir, le président Macron, ses conseillers et son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, se relayant pour exprimer les mêmes « regrets » des « malentendus » engendrés par les déclarations du 30 septembre et les mêmes assurances quant au « respect », au plus haut niveau de l’Etat français, de l’histoire de l’Algérie, de sa souveraineté et de son peuple.

| Lire aussi : Algérie–France : ce qu’a dit Le Drian après sa rencontre avec Tebboune

Emmanuel Macron qui a mal dosé ses critiques, n’a pas anticipé la réaction algérienne et s’est peut-être retrouvé devant un retour de boomerang en interne, au sein de la très forte diaspora algérienne au poids électoral indéniable.

L’importance de la relation bilatérale, le poids de la communauté et la multitude des dossiers régionaux sur lesquels les deux parties sont appelées à coopérer ont fait qu’un apaisement est vite souhaité à Paris.

Soit les mêmes raisons qui ont fait qu’à Alger aussi, malgré la fermeté et l’intransigeance exprimées avec constance à tous les niveaux depuis le début de la crise, on n’a jamais tout à fait fermé la porte à un « retour à la normale », que le président Abdelmadjid Tebboune a fini par juger inéluctable le 26 novembre.

« Les signaux positifs envoyés par Macron ont été bien reçus à Alger », explique une source algérienne proche du dossier.

La preuve, le projet d’élaborer une loi criminalisant le colonialisme, déterré, alors que la crise était à son paroxysme, par le seul parti de l’opposition siégeant au Parlement, n’a pas suscité l’adhésion des formations de la majorité, ce qui signifie que les plus hautes autorités n’ont pas donné leur aval.

 

Les plus lus